L’affaire a tout d’un mauvais film d’espionnage, sauf qu’elle se déroule sur notre sol, au cœur de la République. Un ancien haut responsable de l’ambassade d’Algérie à Paris, Salaheddine Selloum, est visé par un mandat d’arrêt international émis par la justice française. Les faits ? L’enlèvement, en avril 2024, d’Amir Boukhors, alias Amir DZ, influenceur algérien installé en France et critique virulent du régime de son pays.
Le mandat, daté du 25 juillet dernier, vise Selloum pour « arrestation, enlèvement et séquestration en relation avec une entreprise terroriste » ainsi que pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Selon la DGSI, citée par nos confrères du Monde, il s’agirait d’un officier du contre-espionnage algérien dissimulé sous un titre officiel : premier secrétaire de l’ambassade. La fameuse « couverture diplomatique » qui, parfois, masque des opérations beaucoup moins recommandables que des échanges culturels.
Un kidnapping digne des services secrets
Le 29 avril 2024, Boukhors est enlevé en région parisienne. Il sera retenu 27 heures, en pleine forêt de Seine-et-Marne, avant d’être relâché. L’opposant raconte avoir « vu la mort » et parle d’une violence extrême. L’enquête, reprise en février par le parquet national antiterroriste, met rapidement en cause Selloum.
Et là, problème : son arrestation risque fort de se heurter à la fameuse immunité diplomatique. Mais l’avocat de Boukhors, Me Éric Plouvier, prévient : une fois la mission diplomatique terminée, il ne reste qu’une immunité « fonctionnelle ». Or, qui peut sérieusement soutenir que l’enlèvement d’un opposant relève des attributions normales d’un diplomate ?
Une opération qui ne doit rien au hasard
Sept autres personnes ont été mises en examen, dont un agent consulaire algérien. Selon les enquêteurs, il s’agirait d’exécutants agissant contre rémunération. Pas de conviction politique, juste un travail payé. Ce qui laisse supposer que la commande venait d’en haut.
Boukhors, installé en France depuis 2016 et réfugié politique depuis 2023, compte un million d’abonnés sur TikTok. Un profil qui dérange Alger : le régime de Tebboune a déjà émis neuf mandats d’arrêt contre lui, allant de l’« escroquerie » aux « infractions terroristes ». La justice française avait refusé son extradition en 2022.
Une affaire qui en dit long
L’histoire ne se limite pas à un simple fait divers. Elle soulève des questions autrement plus lourdes : comment un agent de renseignement étranger, protégé par un statut diplomatique, a-t-il pu préparer et mener un enlèvement en toute tranquillité en France ? Et surtout : qu’a fait notre État pour protéger celui à qui il a accordé l’asile ?
Dans un contexte de relations franco-algériennes déjà tendues, cette affaire pourrait bien marquer un tournant. Elle rappelle que, derrière les sourires officiels, se jouent parfois des parties d’ombres où l’intimidation et la violence remplacent le dialogue. Et où, même à Paris, un opposant politique peut disparaître… le temps que ses geôliers décident de le relâcher.