On pouvait croire à une querelle passagère. C’est devenu une véritable guerre. D’un côté, l’audiovisuel public — France Télévisions, Radio France —, vent debout, arc-bouté sur ses privilèges et ses budgets garantis. De l’autre, les médias de Vincent Bolloré, devenus la bête noire du service public parce qu’ils osent mettre en lumière ses connivences, ses dérives et son militantisme.
Au cœur de la bataille : l’affaire Legrand-Cohen. Deux journalistes du service public, attablés avec des dirigeants socialistes, la caméra qui tourne, et cette phrase hallucinante de Thomas Legrand : « Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati, Patrick (Cohen) et moi. » Le genre de séquence qui, jadis, aurait été étouffée. Mais voilà : en 2025, l’information circule, et CNews comme Europe 1 ne se sont pas privées d’en faire leurs choux gras.
La contre-attaque des forteresses subventionnées
Au lieu d’assumer ou de faire leur autocritique, Delphine Ernotte (France Télévisions) et Sibyle Veil (Radio France) ont choisi l’offensive. Une lettre solennelle à l’Arcom pour dénoncer une « campagne de dénigrement », un « temps d’antenne significatif » consacré à les critiquer, et même un florilège d’extraits d’émissions joint en pièce annexe comme s’il s’agissait d’un dossier d’instruction.
En clair : les présidentes de l’audiovisuel public se posent en victimes. Non pas des dérives internes — connivences, militantisme assumé, journalisme militant — mais des critiques venues de CNews et Europe 1. C’est le monde à l’envers : l’argent public sert à financer des journalistes qui affichent leur proximité avec un parti politique, et ce serait ceux qui dénoncent ces pratiques qui devraient rendre des comptes.
Bolloré, l’ennemi désigné
On comprend vite la manœuvre : il s’agit de faire de Vincent Bolloré l’ennemi unique, le croquemitaine qui « déstabiliserait » l’information publique. Un milliardaire catholique breton qui ose financer une chaîne d’info numéro un en audience, voilà le danger suprême pour des élites habituées à régner seules sur le débat médiatique.
Mais la réalité est cruelle pour l’audiovisuel public : le succès de CNews n’est pas le fruit d’une manipulation, mais de la lassitude des Français. Lassitude d’entendre toujours les mêmes éditorialistes servir la même soupe progressiste. Lassitude de voir leurs impôts financer un service public qui ressemble à une succursale du PS. Lassitude de ne jamais entendre certaines idées, certains mots, certaines colères.
L’heure de vérité
Cette guerre révèle surtout une chose : l’audiovisuel public n’est plus intouchable. Jadis, ses dirigeants pouvaient ignorer les critiques. Aujourd’hui, elles s’amplifient, elles résonnent dans la société, elles trouvent un écho politique. Marine Le Pen évoque une privatisation. Mélenchon lui-même, pourtant habitué à défendre le service public, dénonce un « complot » de journalistes liés au PS. Quand les extrêmes de l’échiquier en viennent à dire la même chose, c’est que le château de cartes vacille.
Le vrai scandale n’est pas que CNews critique le service public. Le vrai scandale est que ce service public, gavé d’argent public, puisse continuer à jouer les donneurs de leçons tout en pratiquant la connivence la plus éhontée.
Une guerre salutaire
Au fond, cette guerre était inévitable. Trop longtemps, l’audiovisuel public a cru qu’il détenait le monopole de l’information légitime. Bolloré a brisé ce monopole. Les Français ont désormais le choix, et ils le font savoir : l’audience de CNews explose, celle de France Inter vieillit, France 2 s’essouffle.
Alors oui, c’est la guerre. Mais c’est peut-être une guerre salutaire. Une guerre qui oblige à poser la vraie question : faut-il encore financer à coups de milliards un audiovisuel public qui ne sert plus l’intérêt général, mais une idéologie ?
À force de crier au complot et de jouer les victimes, Ernotte et Veil oublient une évidence : ce ne sont pas Bolloré et ses journalistes qui affaiblissent le service public. C’est le service public lui-même, par son arrogance, ses compromissions et son mépris des Français.
Et cette guerre, quoi qu’il arrive, il se pourrait bien qu’il la perde.