Rodéos sauvages : bienvenue en République des moteurs fous

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Les beaux jours arrivent, les moteurs vrombissent. Dans les cités, sur les routes désaffectées ou même au cœur des galeries commerciales, des cohortes de deux-roues et de voitures de sport s’adonnent à leur violente chorégraphie : le rodéo urbain. Ce phénomène, que l’on aurait cru marginal et sporadique, s’est mué en rituel quotidien, avec ses codes, ses adeptes, ses territoires… et ses victimes. Les chiffres donnent le vertige : plus de 40.000 signalements enregistrés en six mois, près de 1.850 interpellations, et des opérations de police devenues un sport à part entière.

La barbarie en accéléré

Dans cette nouvelle société du vacarme, la route n’est plus un espace de circulation mais une scène de théâtre. On y grimpe sur une roue, on y accélère sans casque ni permis, on filme, on diffuse, et on jubile. Jusqu’à ce qu’un pompier en mission se retrouve fauché par un chauffard chargé à l’alcool et au protoxyde d’azote. Jusqu’à ce que deux fous du guidon s’entrechoquent à pleine vitesse, et que les corps s’éparpillent sur le bitume. Que fait l’État ? Il condamne, il compte les morts, et il attend le prochain été.


La loi existe, mais les preuves manquent

Depuis 2018, le rodéo urbain est un délit. En théorie. Car en pratique, les poursuites sont conditionnées à des éléments souvent irréalisables. Il faut que les forces de l’ordre prouvent, images à l’appui, que les fuyards ont violé, de façon « intentionnelle », plusieurs règles de sécurité. En somme, il faut documenter le chaos, en filmer chaque seconde, chaque roue levée, chaque figure périlleuse. Pendant ce temps, les délinquants, eux, accélèrent, masqués et sans plaque.

Une impunité méthodique

L’instruction du 19 mai dernier a bien tenté d’assouplir la règle du non-poursuite. Désormais, les policiers peuvent engager la course. Mais à condition que mille paramètres soient réunis : météo, état de la route, gravité des faits, densité du trafic, etc. Résultat ? La doctrine reste celle de l’observation passive. Pas de contact tactique autorisé, pas de tamponnage, pas de mise hors d’état de nuire immédiate. Une seule obsession : éviter un nouveau Nahel. Pendant que les fuyards foncent, les policiers consultent des checklists.

Le phénomène déborde désormais les frontières : les parkings d’Île-de-France attirent des dizaines de chauffards venus d’Allemagne, de Belgique ou des Pays-Bas, pour participer à des shows illégaux, organisés à la dernière minute sur les réseaux sociaux. On y drift comme dans les jeux vidéo, on y brûle la gomme jusqu’à ce que la fumée empêche de voir les buildings. Et quand la police arrive, les Caddie pleuvent, les barricades se dressent, et la CRS 8 est appelée à la rescousse. À Melun, à Villiers-en-Bière, à Sénart, c’est la même scène qui se répète, week-end après week-end, comme un feuilleton de l’impunité.

Clips de rap et cascades en galerie marchande

Dernière mode en date : le rodéo en intérieur. On entre à trois scooters dans un centre commercial, on monte les escalators, on rase les vitrines, on slalome entre les clients. Puis on sort, sans être inquiété, sauf si une vidéo, devenue virale, permet d’identifier l’un des auteurs. On parle de « passionnés de sports mécaniques ». On les envoie en stage de sécurité routière. La République s’excuse presque de troubler leur tournage.

Un État désarmé face à la dé-civilisation

La vérité ? Ce n’est pas un phénomène de marginalité. C’est une prise de territoire. C’est une fête païenne, brutale, bruyante, qui s’affranchit des règles de la cité. C’est une culture de la vitesse sans limite, du danger érigé en style de vie, du chaos comme emblème. Ceux qui s’y opposent sont des ringards. Ceux qui osent critiquer sont taxés d’extrémisme. La République regarde, recule, tergiverse. Et pendant ce temps, sur les parkings, le moteur continue de gronder.

Les décibels remplacent les lois. Et la route, ce bien commun, est devenue leur piste de guerre.

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