Retraites versées à l’étranger : la Cour des comptes alerte sur des fraudes persistantes
Tout le dossier : Fraude socialeLa Cour des comptes pointe, dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale publié ce mardi, la persistance de fraudes significatives sur les retraites versées hors de France, bien que des « progrès » aient été enregistrés depuis 2017. À cette date, l’institution de la rue de Cambon avait pour la première fois tiré la sonnette d’alarme sur un phénomène alors largement sous-estimé.
Selon le rapport de la juridiction financière, plusieurs dispositifs ont été mis en place par les pouvoirs publics à partir de 2017 pour tenter de résorber ce problème structurel. Néanmoins, les fraudes demeurent fréquentes, notamment l’usurpation d’identité, les départs à l’étranger non déclarés et, surtout, la non-déclaration de décès, identifiée comme la fraude la plus courante.
D’après les données de la Cour, près de deux millions de pensionnés perçoivent aujourd’hui leur retraite à l’étranger, dont environ 1,1 million au titre du régime général et 900.000 pour le régime complémentaire Agirc-Arrco. En 2021, les indus constatés sur les pensions du régime général versées hors de France ont atteint 43 millions d’euros, soit 28 % de l’ensemble des indus de la branche vieillesse, alors même que ces pensions ne représentent que 3 % des prestations versées. Ce déséquilibre met en évidence une exposition accrue aux fraudes dans le cadre des versements internationaux.
La Cour identifie plusieurs pays à « forts enjeux », c’est-à-dire concentrant une majorité des retraités à l’étranger. Il s’agit notamment de l’Algérie, qui regroupe 31 % des bénéficiaires, mais aussi du Portugal, de l’Espagne, de l’Italie, du Maroc et de la Belgique.
Parmi les pratiques frauduleuses recensées figure l’usurpation d’identité d’un autre assuré pour bénéficier indûment de ses droits. Si des contrôles rigoureux sont appliqués lors de l’attribution initiale des prestations, la Cour relève que la détection de ce type de fraude « reste complexe » une fois le versement effectué à l’étranger. Autre situation signalée : des bénéficiaires qui omettent de déclarer leur départ hors du territoire français, alors que certaines aides – comme le minimum vieillesse – supposent une résidence stable en France.
Mais c’est surtout la non-déclaration de décès qui retient l’attention des magistrats financiers. Dans ce scénario, les pensions continuent d’être versées aux ayants droit d’un assuré décédé, sans que les services en soient informés. La Cour évalue les pertes liées à cette fraude à une fourchette située entre 40 et 80 millions d’euros pour l’Algérie, et à environ 12 millions d’euros pour le Maroc.
Des actions ciblées ont permis d’illustrer l’ampleur du phénomène. Ainsi, selon les données transmises par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et citées par la Cour, une opération de contrôle menée en 2023 au consulat de France à Alger, portant sur les assurés de plus de 85 ans, a révélé 300 décès non déclarés. Le préjudice financier est estimé à un million d’euros pour cette seule campagne.
La Cour des comptes recommande de généraliser ce type de convocations physiques dans les consulats, estimant qu’elles constituent un levier efficace de lutte contre la fraude. Elle insiste également sur la nécessité de renforcer les échanges d’état civil avec les pays concernés, afin d’automatiser les signalements de décès.
Malgré les efforts déployés, les magistrats soulignent que « le risque demeure élevé » et appellent à une vigilance constante, notamment dans les pays à forte concentration de bénéficiaires.