Narcotrafic : un magistrat sonne l’alarme, l’État nie l’évidence

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« C’est foutu. » Le constat, brutal et désespéré, émane d’un magistrat nîmois qui, sous couvert d’anonymat, confie au Midi Libre son sentiment sur la lutte contre le narcotrafic. Faute de renforts humains et techniques, la justice est en train de perdre la guerre. Et si rien ne change, la société finira, selon lui, par basculer dans des « mesures non démocratiques ».

Une justice à bout de souffle

Le témoignage glace par sa franchise. Pour ce magistrat, il faudrait « des dizaines, voire des centaines d’enquêteurs » supplémentaires dans la région, des moyens massifs de surveillance et d’extraction des données téléphoniques, ainsi qu’une simplification radicale des procédures. Aujourd’hui, explique-t-il, les enquêteurs croulent sous des formalités kafkaïennes qui paralysent l’action. Pendant ce temps, les trafiquants prospèrent, se financent et imposent leur loi.


La colère des procureurs

Face à ces propos, la procureure de la République de Nîmes, Cécile Gensac, et le procureur général Xavier Bonhomme ont répliqué sèchement dans un communiqué publié sur X, dénonçant des « propos inadmissibles et dangereux ». Comme si le problème n’était pas la réalité décrite, mais le fait de la dire tout haut. La réaction illustre une dérive bien française : plutôt que d’admettre l’impuissance et de repenser la stratégie, on fait taire ceux qui osent briser le tabou.

Une guerre déjà perdue ?

L’alerte n’est pourtant pas nouvelle. Dès 2024, à Marseille, une magistrate de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) avait confié devant une commission sénatoriale : « Je crains que nous soyons en train de perdre la guerre contre les trafiquants. » Un an plus tard, la situation s’aggrave : règlements de comptes sanglants, cartels qui s’installent jusque dans les petites villes, et une justice incapable de suivre le rythme.

Vers l’État d’exception ?

Le plus inquiétant est ailleurs : « Faute de moyens, la société sera contrainte d’utiliser des mesures non démocratiques », prévient le magistrat. Derrière cette phrase se cache une perspective terrifiante : celle d’un État débordé, obligé de recourir à des méthodes extrêmes – surveillance de masse, restrictions des libertés, procédures expéditives – pour tenter de reprendre la main. En clair, soit nous dotons la justice des armes nécessaires aujourd’hui, soit nous nous préparons à demain à vivre sous un régime d’exception.

L’hypocrisie d’un pouvoir faible

Pendant ce temps, le gouvernement se félicite de quelques saisies spectaculaires, multiplie les communiqués et fait mine de mener une « guerre totale » contre les trafiquants. Mais les magistrats, les policiers et les habitants des quartiers savent la vérité : le crime organisé avance, l’État recule.

La phrase du magistrat nîmois résonne comme un avertissement : « C’est foutu. » À moins d’un sursaut, le pays devra choisir entre le chaos mafieux et l’autoritarisme. Et ce jour-là, il sera trop tard pour pleurer sur les libertés perdues.

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