Le Conseil d’Etat s’est penché lundi sur le port du RIO par les forces de l’ordre, ce numéro qui permet d’identifier chaque agent, alors que plusieurs organisations dénoncent une « carence systématique ».

Depuis 2014, policiers et gendarmes doivent porter leur matricule sur leur uniforme, un numéro d’identification individuel dit RIO (référentiel des identités et de l’organisation), permettant de retrouver un fonctionnaire, par exemple en cas de dérapage. 

Plusieurs organisations de défense des droits humains, d’avocats et de magistrats ont saisi le Conseil d’Etat en urgence, estimant que policiers et gendarmes avaient fait à maintes reprises, depuis le début des manifestations contre la réforme des retraites, un usage « injustifié » ou « disproportionné » de la force, souvent sans contrôle de l’agent possible car il ne portait pas son RIO apparent. 

A l’audience, le président veut savoir qu’elle est « l’ampleur » du phénomène. Il n’obtiendra pas de réponse claire, mais des certitudes de chaque côté de la salle.

La pratique est « généralisée », « systématique » et « documentée », assurent Mes Paul Mathonnet et Patrice Spinosi, en défense des organisations à l’origine de la requête (la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et l’Action des chrétiens contre la torture). 

« Ça ébranle la confiance des gens dans la police » quand ceux « qui leur demandent de respecter la loi ne le font pas », dit Me Mathonnet.

« Il n’y aucun laxisme » soutient en face la représentante du ministère de l’Intérieur Pascale Léglise, parlant de « 18 rappels » de la consigne depuis l’entrée en vigueur du RIO – les derniers datant de « la veille » des manifestions contre les retraites et contre les mégabassines à Saint-Soline (Deux-Sèvres). 

Comme partout, « il y a des bons et des mauvais éléments » mais ces derniers ne doivent pas « jeter l’opprobre sur l’intégralité » de la profession: « la plupart des agents » portent leur RIO, assure-t-elle. 

Les photos prouvant le contraire ? « Tout le monde reprend les mêmes », balaie Mme Léglise.

« Y a-t-il jamais eu une procédure disciplinaire pour un agent qui ne portait pas son RIO ? », demande Me Spinosi. 

La représentante de l’Etat esquive, avance que « c’est une circonstance aggravante » en cas de faute avérée de l’agent. 

Me Spinosi insiste, Mme Léglise évoque des « rappels à la loi individuels »… avant de finalement reconnaître que personne n’a jamais été poursuivi pour le seul fait de ne pas porter son RIO: « ce n’est pas considéré comme un manquement, puisqu’il n’y a pas eu de conséquence », lâche-t-elle, faisant sursauter sur les bancs d’en face. 

Le RIO n’est pas indispensable pour « identifier » des agents, avance-t-elle encore. Toutes les personnes visées par les 36 enquêtes judiciaires ouvertes depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites par l’IGPN, « la police des polices » (2 par l’IGGN, l’équivalent chez les gendarmes) pour usage disproportionné de la force sont « parfaitement reconnaissables et reconnues », martèle Mme Léglise.

En soutien, le responsable de la réglementation et des enquêtes chez les CRS, Franck Rousselle, liste ce qui permet d' »identifier » les agents et de retracer « à la seconde près » toute intervention : les « bandes de couleur » sur les casques, la « pastille » qui identifie la compagnie, et « dans le dos », les numéros de groupes avec le « rôle » de l’agent. Puis les « macarons » sur les véhicules, et les procès-verbaux d’intervention – « s’il y a cinq grenades lancées à telle heure, on le sait », explique-t-il.

« Il est avéré qu’un tiers » des procédures visant les forces de l’ordre sont classées par manque d’éléments ou d’identification des policiers, nuance Me Mathonnet, alors Me Spinosi s’insurge de la démonstration de l’Intérieur.

« On vient nous dire +le RIO ne sert à rien, ne vous inquiétez pas, on n’en a absolument pas besoin+ », lâche-t-il. « Ce n’est pas comme ça que ça marche, il y a une obligation elle doit s’appliquer ». 

Les organisations proposent de « responsabiliser les responsables d’unités » en lançant des poursuites disciplinaires en cas de non port du RIO de l’un de leurs agents.

Le Conseil d’Etat rendra sa décision mercredi.

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