La République a encore des haut-le-cœur face à ce qu’elle prétend défendre : la liberté d’expression. Cette fois, c’est le réseau social X (anciennement Twitter), propriété d’Elon Musk, qui devient la cible d’une enquête judiciaire ouverte par le parquet de Paris. Motif ? L’algorithme de la plateforme serait suspecté d’avoir été manipulé à des fins d’ »ingérence étrangère ».
Le crime ? Trop de voix dissidentes
On nous explique, sans rire, qu’un algorithme aurait été « orienté » pour amplifier certains contenus et en réduire d’autres, au bénéfice d’acteurs obscurs, sans qu’aucune preuve tangible ne soit versée au débat public. À la manœuvre, le député macroniste Éric Bothorel, inquiet que X ne garantisse plus un « environnement sûr et respectueux ». En bon gardien du « débat démocratique », il s’alarme d’une supposée « réduction de la diversité des voix ».
Mais faut-il rappeler à monsieur Bothorel que, sous l’ère Musk, ce sont justement les voix étouffées — conservatrices, souverainistes, critiques du progressisme — qui ont pu émerger ? Que X a cessé de bannir systématiquement tout propos qui déplaît à la gauche morale ? C’est cela, le vrai crime aux yeux du régime.
Un État qui supporte mal la contradiction
L’accusation d’ »ingérence étrangère » sent le réchauffé. Et sur un réseau par essence complètement international, elle n’a même pas de sens concret. Déjà utilisée contre Donald Trump ou lors du Brexit, elle revient comme un mantra dès que le peuple pense mal. L’invocation de contenus « haineux, racistes, anti-LGBT+ » n’est qu’un prétexte commode pour museler les voix hors système. L’idée même qu’un réseau social puisse échapper au contrôle idéologique du pouvoir leur est insupportable.
La procédure vise X en tant que personne morale, mais aussi ses dirigeants. On imagine déjà la joie des bureaux de la gendarmerie nationale, désormais mobilisés pour traquer les algorithmes déviants. Il y a quelques années encore, une telle affaire aurait prêté à sourire. Aujourd’hui, elle illustre la dérive inquiétante d’un État qui se méfie de son propre peuple et préfère confier la vérité à une police du code source.
Imaginons cela en Russie : que dirait Paris ?
Car enfin, imaginons un instant que Vladimir Poutine exige de X une liste des utilisateurs diffusant des contenus jugés « problématiques ». Que Moscou ouvre une enquête pour « altération d’algorithme » à l’encontre de responsables de plateformes, sous prétexte de désinformation. Paris hurlerait – à raison – à l’autoritarisme. L’Union européenne dégainerait des communiqués indignés – et justifiés. Et la presse française dénoncerait sans retenue une atteinte à la démocratie.
Mais quand c’est la France qui s’y colle, au nom du bien, tout devient soudain « normal », voire vertueux. Car c’est toujours ainsi avec les régimes qui basculent dans le contrôle idéologique : ils le font au nom du progrès, de la tolérance, et surtout, d’une démocratie qu’ils vident lentement de son contenu.
La liberté ne se défend pas en la criminalisant
Qu’un milliardaire fantasque possède un réseau social, cela peut – à la rigueur – poser débat (ou pas). Mais que l’État tente, à coups de codes pénaux et d’enquêtes cyber-policières, de régenter la parole en ligne, voilà qui devrait alarmer. Car ce n’est pas l’algorithme de X qui menace la démocratie. Ce sont les apprentis-censeurs qui rêvent d’un espace public expurgé de toute contradiction.
En d’autres temps, on appelait cela la pensée unique. Aujourd’hui, on préfère parler de « protection contre la haine ». Mais le résultat est le même : la peur de la liberté, et la traque de ceux qui osent penser autrement.