Ça se passe aujourd’hui à Toulouse, où la municipalité de Jean-Luc Moudenc, LR, veut enlever à la paroisse Saint-Aubin, qui fait partie de l’ensemble paroissial de Saint-Étienne, une partie de l’édifice sacré, à savoir sa crypte. Celle-ci, d’une surface de 1 800 m2, construite à partir de 1847, avec ses voûtes en briques roses, ses nefs multiples, son couloir de circulation, représente l’une des plus intéressantes réalisations architecturales de style néo-roman qui soit en France.

Sous prétexte que cette partie de l’église est fermée au public depuis 15 ans, la mairie de Toulouse veut en faire, dès 2022, grâce au projet dit Light House, un espace dédié « à la création, au numérique et à la vie de quartier ». L’objectif est d’y implanter plusieurs startups ayant pour visée « l’image et la production de contenus comme du cinéma, d’animation, des jeux vidéo ou encore du virtuel », mais aussi quelques entreprises spécialisées dans la cryptomonnaie et dans le e-tourisme. La conception de cette réhabilitation macronienne d’un lieu sacré, déjà fort avancée, a été confiée à la société Icade, filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations.

Sauf que cette partie de l’église Saint-Aubin, certes propriété de la commune depuis la loi spoliatrice de Séparation du 9 décembre 1905, a pour affectataire – c’est-à-dire pour bénéficiaire d’un droit de jouissance qui ne peut cesser qu’en vertu d’une procédure de désaffectation (article 13 de la loi de 1905 et décret du 17 mars 1970) – le curé de la paroisse. Concrètement, il faudrait que la désaffectation de l’édifice soit prononcée par arrêté préfectoral à la demande du conseil municipal, mais à la condition que l’évêque ait donné préalablement son consentement par écrit.

En a-t-il même le droit ? Une crypte fait clairement partie par sa nature d’un entier édifice cultuel et, sous réserve de plus ample information, on ne connaît pas de cas en France où un édifice du culte ait été sectionné pour qu’une partie en soit désaffectée. La jurisprudence administrative va d’ailleurs dans le sens d’une reconnaissance large de la définition de l’ensemble de l’immeuble cultuel affecté (par exemple, une salle annexe utilisée comme salle de catéchisme, une bande de terrain entourant l’église, ont été considérées par le Conseil d’État comme faisant partie de l’immeuble affecté au culte catholique).

Pour préserver le principe du droit de l’Église sur les édifices du culte et ne pas introduire de précédent, l’archevêque de Bordeaux, Mgr Jean-Pierre Ricard, s’était jadis opposé à la désaffection de l’église Saint-Éloi, pourtant hors-service depuis longtemps, et dont la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X revendiquait l’utilisation (la réintégration canonique officielle du prêtre qui y célébrait, l’abbé Laguérie, avait ensuite permis de régler la question). Pareillement, l’attitude de l’archevêque de Toulouse, Mgr Robert Le Gall sera d’une importance considérable pour l’avenir des biens d’Église en France : s’il avalisait le projet de la mairie de Toulouse, il introduirait une faille, vraisemblablement contraire à la loi et attaquable, mais en toute hypothèse désastreuse en ce qui concerne la protection des édifices du culte, à un moment où elle risque d’être de plus en plus menacée.

Print Friendly, PDF & Email