Le procès est dans l’air du temps : tout ce qui est ancien, français, exigeant, et sélectif devient immédiatement suspect. Le Guide Michelin, fleuron de notre patrimoine gastronomique, en fait à présent les frais. Le voilà traîné dans la boue par quelques universitaires américains, qui n’ont probablement jamais tenu un couteau autrement qu’à la cafétéria, pour le crime suprême de notre époque : être trop « eurocentré ».

Une professeure de Boston, Tulasi Srinivas, entend nous expliquer depuis son campus qu’il faut « décoloniser » la gastronomie. Selon elle, si certaines cuisines du monde ne sont pas primées, ce serait à cause d’un « racisme systémique » au cœur du système Michelin. Rien de moins. Exit la rigueur, l’exigence, le savoir-faire. Tout est ramené à la couleur de peau et à l’origine géographique. Comme toujours avec ces procès idéologiques, le réel n’a plus aucune importance.

Mais de quoi parle-t-on, précisément ? Le Guide Michelin est aujourd’hui présent dans plus de 60 pays. Du Brésil à la Thaïlande, du Japon à la Turquie, des dizaines de restaurants non-européens, portés par des chefs issus de toutes les cultures, y sont célébrés. L’argument d’un entre-soi blanc et colonial est tout simplement faux. Et ce n’est pas une porte-parole de Michelin qui le dit : c’est la réalité, vérifiable, documentée, chiffrée.

Ce que ces critiques ne supportent pas, en vérité, c’est que le Guide ne cède pas aux diktats de l’idéologie diversitaire. Michelin ne distribue pas ses étoiles comme on distribue des médailles de participation. Il évalue, compare, sélectionne — selon des critères rigoureux, universels et assumés. Il récompense la maîtrise, la constance, l’innovation, le respect des produits et de la technique. Peu importe l’origine du chef : seul le résultat compte dans l’assiette.

Mais voilà, cela ne suffit plus à nos nouveaux inquisiteurs. Ce qu’ils veulent, ce sont des quotas. Ils exigent des étoiles « inclusives », des distinctions « représentatives », une cuisine notée non pas pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle symbolise. Ils voudraient transformer un guide gastronomique en outil militant, imposer leur grille de lecture racialiste à un domaine qui n’a jamais obéi qu’à une seule loi : celle du goût.

Qu’un chef obtienne trois étoiles après des années de travail acharné, de sacrifices, de nuits sans sommeil dans des cuisines brûlantes, ne les intéresse pas. Ce qui compte, c’est la couleur de sa peau, sa langue maternelle, son origine ethnique. Une vision misérabiliste, infantilisante, qui dessert ceux qu’elle prétend défendre.

Le Guide Michelin ne doit pas s’excuser d’être une référence. Il n’a pas à rougir d’avoir porté au pinacle la gastronomie française, puis celle du monde entier. Il est la preuve vivante qu’excellence et universalité ne sont pas incompatibles. Et tant pis si cela ne plaît pas à ceux qui confondent art culinaire et agenda idéologique. La cuisine mérite mieux que la police de la pensée.