La philosophe et essayiste Bérénice Levet a été interrogée par nos confrères de La Nef à propos de son nouvel essai, Le courage de la dissidence. Extrait :

Vous nous invitez à réinvestir le terrain de l’identité, et même plus, de la narrativité : pourquoi ?

En effet, car il est au moins une vérité au cœur du wokisme, que nous serions avisés d’entendre si nous ne voulons pas voir cette idéologie triompher : le besoin humain d’identité, d’appartenance. Le wokisme mord sur l’impasse anthropologique qu’est l’individu-monade autosuffisant, ce mythe moderne. Que proposez-vous à vos « citoyens », nous objecte implicitement le wokisme : des « valeurs » ? La laïcité ? L’Universel ? Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Sans histoires, sans épopées, sans grands hommes ? Non !

Il m’a semblé urgent de répliquer aux tenants de la « tenaille identitaire », car ils nous vouent à l’échec dans le combat que nous menons contre le wokisme. En renvoyant dos à dos les activistes des « minorités » et les défenseurs, dont je suis, de l’identité nationale, ils commettent une double faute : d’abord ils attestent une profonde méconnaissance de la nature humaine, celle à laquelle je viens de faire allusion, car l’homme, ne leur en déplaise, a besoin (et c’est le génie du catholicisme que de l’avoir compris en accordant une place de choix à l’art) d’imaginaire, de récit, bref d’incarnation. On ne cimente pas un peuple avec des « valeurs » ou avec les droits de l’homme […].

Méconnaissance ensuite qui pourrait s’avérer fatale pour l’avenir de notre civilisation si nous ne réinvestissons pas ce terrain. Car c’est bien le congé donné à l’identité nationale et au récit national (qui n’est pas fatalement roman mais art de mettre en forme et en sens, art du récit haut en couleur…) qui a jeté les individus dans les bras de ces identités en furie. « Ils se sont faits dévots de peur de n’être rien », disait Voltaire, mot définitif, lumière la plus vive qu’on puisse jeter sur ce qui nous arrive selon moi. Dévots, mais aussi femmes, lesbiennes, homosexuels, « transgenres », Noirs, etc., car n’être rien, telle fut la promesse, funestement tenue, du progressisme. Et pour ajouter du piquant à l’intrigue, « victimes » car – et sur ce point, permettez-moi de convoquer Musset en le paraphrasant –, « il est doux de se croire victime quand on n’est que vide et ennuyé ».

Le wokisme est fort de nos faiblesses, d’où l’importance de nous réarmer, de retrouver notre âme, de donner à connaître et à aimer l’esprit français, la personnalité française, terme que je préfère à celui d’identité nationale car personnalité dit tout à la fois, la singularité, mais aussi le caractère, comme on dit d’une personne qu’elle a de la personnalité et donc de la détermination.

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