La grande prêtresse de la vérité officielle, la vénérable Agence France-Presse, se découvre un cœur fragile : le PDG Fabrice Fries vient d’annoncer une cure d’austérité. Entre 12 et 14 millions d’euros d’économies à réaliser d’ici 2026. Le temple tremble, les vierges effarouchées de l’information frémissent.
Et l’homme fort de l’agence d’y aller de son petit clip vidéo interne, façon PDG tech de start-up en difficulté, pour prévenir ses troupes : la fête est finie. Moins de contrats, moins de fact-checking sponsorisé par Meta, moins de subventions indirectes via des clients publics… bref, moins d’argent pour dégainer à la seconde la ligne imposée du moment.
Victime… ou bien simple produit d’un monde qui change ?
À en croire Fabrice Fries, l’AFP est une victime de la conjoncture : la crise des médias, l’ombre d’une récession mondiale, la frilosité des géants de la tech… et bien sûr, les habituels « régimes autoritaires et populistes » – comprenez : les gouvernements qui osent remettre en question le monopole narratif des journalistes de l’agence.
Plus fort encore, on nous explique sans rire que Voice of America, l’organe de propagande américain, aurait « brutalement » arrêté un contrat avec l’AFP. Les croisés de la démocratie occidentale n’auraient donc plus besoin de leurs camarades français ? Quelle ingratitude.
Fact-checking en berne, pleurs chez les vérificateurs de pensée
Le programme de fact-checking payé par Meta ne sera pas reconduit. Tristesse infinie dans les rangs des rédacteurs spécialisés dans la chasse aux « fausses nouvelles », souvent plus prompts à censurer un article de blog qu’à vérifier les élucubrations d’un ministre. Voilà qui réduira peut-être le volume de ces « débunks » absurdes où l’on vous explique, la main sur le cœur, que l’immigration n’a aucun coût, que l’insécurité est un sentiment, ou que l’économie va bien quand elle va mal.
Intelligence artificielle ou intelligence tout court ?
Fries accuse aussi les IA d’empiéter sur le pré carré des agences. L’AFP, qui pendant des décennies a nourri des milliers de titres de presse avec ses dépêches copiées-collées, découvre avec effroi qu’un robot peut faire pareil… en mieux. Quand on a passé vingt ans à aligner des brèves biaisées en mode automatique, on ne s’étonne pas que les lecteurs et les machines se passent de vos services.
L’État, client, soutien, et juge à la fois
Rappelons que l’AFP a un statut juridique aussi nébuleux qu’avantageux : ni publique ni privée, mais bien installée dans les bonnes grâces de l’État, qui siège à son conseil d’administration… tout en étant client. Objectivité, dites-vous ? Non, dépendance savamment déguisée.
Finalement, on pleurera peu. Car à quoi sert une agence qui dégaine les éléments de langage officiels à chaque alerte, qui valide ou invalide les opinions au nom de la vérité autoproclamée, qui se pare d’un vernis de neutralité pour mieux imposer la ligne du moment ? La vérité se cherche, se débat, se confronte. Pas besoin d’une agence hors-sol pour ça. L’AFP doit réduire la voilure ? Tant mieux. Moins de subventions déguisées, moins de morale empaquetée en information brute, moins de pseudo-objectivité servie à la louche : la pluralité ne s’en portera que mieux.