L’écriture cursive sacrifiée sur l’autel de la simplification

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Il fallait bien que cela arrive. Après avoir remplacé l’exigence par la bienveillance, le savoir par la compétence supposée, et la transmission par l’animation, l’Éducation nationale s’attaque désormais à ce qui restait de plus concret, de plus incarné : l’écriture manuscrite. Plus précisément, l’écriture cursive. Trop compliquée. Trop contraignante. Trop… française, sans doute.

Sous couvert de « modernisation », le ministère a donc missionné une équipe chargée de revoir les normes de l’écriture enseignée en primaire. Traduction : simplifier, lisser, enlever tout ce qui pourrait demander un effort. Les boucles, les attaques, les décrochements ? Supprimés. Trop difficiles pour des enfants à qui l’on explique depuis des années qu’ils ne peuvent pas y arriver.


Ce n’est pas un détail technique. C’est un symbole.

Une école qui ne supporte plus la complexité

L’écriture cursive n’est pas un caprice esthétique. Elle est un apprentissage de la rigueur, de la patience, du geste juste. Elle oblige à coordonner l’œil, la main et l’esprit. Elle structure la pensée autant qu’elle la trace sur le papier. La supprimer au nom de la « simplification », c’est admettre que l’école ne se sent plus capable d’enseigner la complexité.

Or, l’école n’est pas faite pour simplifier le monde à l’extrême, mais pour préparer les enfants à y entrer. En gommant ce qui demande un effort, on ne libère pas l’élève : on l’appauvrit.

De la motricité fine à l’abandon du geste

On a déjà renoncé au dessin, au bricolage, à la couture. Tout ce qui développait la précision, l’attention, la maîtrise du corps a disparu des programmes. Il restait l’écriture. On a supprimé les pleins et les déliés, puis la plume, puis le stylo-plume, désormais souvent interdit. La suite est logique : une écriture réduite à une suite de formes simplifiées, presque impersonnelles, avant d’être remplacée par le clavier.

À force de vouloir adapter l’école à des enfants que l’on suppose fragiles, on fabrique des adultes désarmés.

Le faux prétexte de l’illisibilité

Les défenseurs de cette réforme invoquent l’illisibilité des écritures actuelles. Argument étrange : c’est précisément parce que l’exigence a disparu que l’écriture est devenue illisible. La réponse n’est pas de baisser encore le niveau, mais de le relever.

Autre justification avancée : l’écriture serait appelée à disparaître face au numérique. Là encore, on confond adaptation et abdication. Savoir écrire à la main n’empêche pas de maîtriser un clavier. En revanche, ne plus savoir écrire prive l’enfant d’un rapport charnel au langage, à la pensée, à la mémoire.

Effacer les lettres pour effacer l’héritage

La réglure Seyès, les lettres à trois hauteurs, les boucles amples ou discrètes : tout cela relève d’une tradition pédagogique propre à la France. Une tradition qui a formé des générations capables de lire, d’écrire et de penser clairement. La déconstruire au nom de la modernité, c’est renoncer à ce que l’école avait de plus solide.

Après le stylo-plume, on supprime les boucles. Après les boucles, on supprimera les mains. Et après les mains, il ne restera plus grand-chose à transmettre.

L’école française ne meurt pas d’un manque de réformes. Elle meurt de réformes qui ne croient plus en l’intelligence de ceux qu’elles prétendent servir.

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