Quatre jours à peine après son installation à Matignon, Sébastien Lecornu donne le ton : celui du recul. La première mesure budgétaire de François Bayrou – la suppression de deux jours fériés pour grappiller 4,2 milliards d’euros – est enterrée. Trop impopulaire, trop risquée, trop explosive socialement. Lecornu n’a pas voulu endosser le costume de fossoyeur des congés des Français.
Cette décision en dit long. Car si l’ancien ministre des Armées clame sa volonté de « rupture », sa première rupture, c’est avec la rigueur. Exit la mesure douloureuse, place aux promesses consensuelles : 5 000 « maisons France Santé » d’ici 2027, un « grand acte de décentralisation », et l’assurance de « discuter avec la gauche » pour trouver d’autres recettes. Autrement dit : on renonce à couper dans la dépense, on va chercher l’argent ailleurs… toujours dans la poche de quelqu’un.
La gauche cajolée, le RN méprisé
Signe des temps, le nouveau premier ministre s’empresse de tendre la main au PS, aux Verts et au PCF. Il appelle de ses vœux une « gauche républicaine » qui s’émanciperait de LFI. Lecornu veut séduire les socialistes pour sauver son budget. Mais il trace une ligne rouge : pas d’accord avec le Rassemblement national, même si ses députés représentent un tiers de l’électorat. Traduction : la gauche a droit à la séduction, la droite nationale au mépris.
Ce jeu d’équilibriste a une limite : il va falloir financer. Alors Lecornu se dit prêt à « discuter » d’une taxe sur les très hauts patrimoines, la fameuse taxe Zucman réclamée par la gauche. Le Medef parle déjà de « spoliation » et promet la mobilisation. Voilà où nous en sommes : après des décennies d’errance budgétaire, le pouvoir macroniste n’envisage qu’une issue — taxer, taxer encore, taxer toujours.
La fuite en avant budgétaire
Pendant ce temps, Fitch dégrade la note de la dette française, signe que la patience des marchés a des limites. La charge de la dette explose, la dépense publique dévore tout, mais le gouvernement, lui, recule dès la première bataille. Plus question d’assumer une mesure impopulaire : l’heure est aux concessions, aux bricolages, et à l’éternel « dialogue social » censé faire oublier les chiffres.
Lecornu a voulu apparaître en chef rassembleur. Il apparaît surtout comme un chef sans cap. À peine nommé, il s’empresse d’abandonner la seule mesure choc héritée de Bayrou. Un symbole : la France n’a plus un premier ministre, mais un gestionnaire de compromis, chargé de calmer la gauche, de ménager les syndicats, et d’éviter la foudre de la rue.
Les jours fériés sont sauvés. Mais la France, elle, continue de s’enfoncer.