Bruxelles livre nos vies numériques à Washington

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La nouvelle est tombée dans une relative indifférence médiatique, comme toujours lorsqu’il s’agit de libertés fondamentales : le Tribunal de l’Union européenne vient de valider le « Data Privacy Framework », ce cadre juridique qui permet le transfert des données personnelles des Européens vers les États-Unis. Autrement dit : vos courriels, vos historiques de navigation, vos messages privés et vos métadonnées sont désormais placés sous la coupe du renseignement américain.

Cela fait plus de dix ans que le feuilleton dure. Après le « Safe Harbor » invalidé en 2015, après le « Privacy Shield » annulé en 2020, voici la troisième tentative, enfin adoubée par Bruxelles. Les militants, de Maximilian Schrems à Philippe Latombe, n’ont cessé de rappeler une évidence : aux États-Unis, la sécurité nationale prime toujours sur la vie privée. Les programmes de surveillance massifs révélés par Edward Snowden n’ont jamais cessé. Ils ont même été renforcés.


L’Europe se couche encore

Qu’importe ! La Commission européenne, jamais avare en génuflexions, a trouvé un prétexte : un décret signé par Joe Biden en 2022, censé encadrer les activités de la NSA. Voilà qui suffirait, paraît-il, à garantir un « niveau substantiellement équivalent » à notre RGPD. Une fiction juridique, applaudie par les juges de Luxembourg, mais démentie par la réalité. Car depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, l’organisme de contrôle censé protéger les libertés (le fameux Privacy and Civil Liberties Oversight Board) a été méthodiquement vidé de sa substance. Licenciements, révocations, paralysie : il ne reste qu’une coquille vide. Autrement dit, la prétendue « garantie » américaine n’existe plus.

Nos données, un marché juteux

Pourquoi cet empressement à se soumettre ? Parce que l’économie numérique en dépend. Parce que les géants américains du numérique — Meta, Google, Amazon et consorts — menacent régulièrement de suspendre leurs services si l’Europe ose lever la voix. Et parce que les élites bruxelloises préfèrent sacrifier la souveraineté des peuples plutôt que d’assumer une confrontation avec Washington.

Soyons clairs : ce n’est pas la protection des citoyens européens qui guide ces décisions, mais la sauvegarde des profits transatlantiques. Nos données personnelles ne sont plus considérées comme une part de notre intimité, mais comme une marchandise destinée à enrichir la Silicon Valley.

La grande illusion européenne

On nous répète que l’Union protège nos droits. Mais quand il s’agit de la première richesse de notre époque — l’information —, elle baisse pavillon. Elle fait semblant d’encadrer, en réalité elle capitule. Et demain, lorsque les preuves de nouvelles intrusions sortiront, on nous expliquera encore que « l’accord sera renégocié ». Toujours la même comédie.

En attendant, l’Europe n’a plus de frontière numérique. Chaque clic, chaque conversation, chaque photo transférée peut finir sur un serveur américain, scruté au nom d’une « sécurité nationale » qui n’est pas la nôtre.

Bruxelles a offert nos vies privées. Washington en a désormais les clés.

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