Le Medef sort l’artillerie lourde. Tandis que les comptes de la Sécurité sociale dérivent dangereusement, l’organisation patronale propose 93 mesures censées ramener à la raison notre système de santé. À la clef, un objectif bien net : 6,5 milliards d’euros d’économies dès 2026. Ce n’est plus une rustine qu’il faudrait poser sur une barque qui prend l’eau, mais une refonte méthodique, rationnelle, et surtout comptable. Exit les états d’âme.
Le patronat à la manœuvre
Patrick Martin, président du Medef, le dit sans détour : « Ces déficits ne sont pas accidentels, ce sont des tendances lourdes. » L’argument est imparable, d’autant que le patronat rappelle discrètement – mais fermement – qu’il est l’un des principaux financeurs du système. Et quand on finance le système à hauteur de 110 milliards d’euros, on estime avoir son mot à dire. Certes, il bénéficie aussi de généreux allègements de cotisations, mais cela ne l’empêche pas de jouer les chirurgiens budgétaires.
Des arrêts maladie sous surveillance
Parmi les propositions les plus sensibles figure la lutte contre les arrêts de travail, que le Medef rêve de passer au peigne fin. Il s’agit de contrôler, valider, raccourcir. Voire refuser ? Dès le sixième mois d’absence, une première alerte serait déclenchée pour amorcer un retour au travail. Dans les cas dits « anormaux », une validation préalable serait exigée. C’est la fin annoncée de la confiance automatique envers l’avis médical – et un aveu à peine déguisé de soupçons généralisés sur les salariés malades.
Adieu carte Vitale, bonjour 100 % numérique
Le Medef pousse aussi une logique de digitalisation à outrance. Mon Espace Santé deviendrait incontournable, la carte Vitale disparaîtrait au profit de sa version numérique, et toutes les démarches seraient dématérialisées. Objectif : gains d’efficacité, économies sur la paperasse… et contrôle renforcé. Car derrière la modernisation se cache aussi une volonté d’automatiser la détection des fraudes. Et tant pis pour les réfractaires au tout-numérique, les personnes âgées ou celles mal à l’aise avec les écrans.
Des malades moins remboursés ?
Autre terrain glissant : les affections de longue durée (ALD). Trop coûteuses, trop fréquentes, trop peu visibles pour le grand public. Le Medef suggère de revoir les critères d’éligibilité, d’actualiser la liste des maladies concernées, voire de supprimer certains avantages, comme l’exonération du ticket modérateur. Une façon élégante de dire que certains malades paient trop peu, et que ça ne peut plus durer. L’économie estimée : près de 460 millions d’euros. La logique comptable n’a pas de cœur, elle a des colonnes.
Un relevé annuel de dépenses pour chaque assuré
Dans un effort assumé de pédagogie budgétaire, le Medef propose enfin d’envoyer à chaque assuré un relevé des dépenses de santé qu’il a générées dans l’année. Histoire de lui faire prendre conscience du « coût » de ses soins. Et, peut-être, de l’amener à réfléchir avant de consulter. Un geste de transparence ou une manœuvre culpabilisante ? Chacun jugera.
Ni tabou, ni cotisation
Mais sur un point, le Medef se montre inflexible : il n’est pas question de revenir sur les allègements de cotisations patronales. Pas un mot non plus sur une éventuelle hausse des recettes. Tout l’effort doit porter sur la dépense. Et tant pis si cela heurte. L’économie version Medef, c’est la rigueur sans anesthésie.
Un avant-goût de la réforme à venir ?
Plusieurs de ces propositions sont partagées par la CPME. Certaines pourraient se retrouver dès l’automne dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L’État, souvent timide quand il s’agit de réformer, pourrait ainsi se contenter d’endosser les habits du pragmatisme en reprenant à son compte les idées du patronat. La rigueur budgétaire a souvent besoin d’un masque technique pour passer. Et le Medef vient peut-être de lui en tailler un sur mesure.