Administration fiscale : treize suicides en six mois, et un silence glaçant

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Treize morts. Huit tentatives. Depuis janvier, c’est le bilan macabre que dresse l’administration fiscale française. Treize agents des Finances publiques ont mis fin à leurs jours, dont deux directement sur leur lieu de travail. Et pourtant, l’État regarde ailleurs. Ou feint de ne pas comprendre.

Un corps au service de l’État, abandonné par l’État

Ils sont inspecteurs, agents de contrôle, secrétaires, chefs de service parfois. Ils appartiennent à un corps que la République a longtemps tenu en haute estime : la Direction générale des finances publiques. Pilliers de l’appareil d’État, souvent caricaturés, souvent invisibles. On ne les célèbre pas. On les critique quand le prélèvement tombe. On les oublie le reste du temps.


Aujourd’hui, ils meurent dans l’indifférence feutrée des couloirs ministériels

Treize suicides depuis janvier. Et un ministre, Éric Lombard, qui affirme benoîtement que ce n’est « pas lié à l’organisation, à la charge de travail ou au management ». Comme si ces drames, survenus dans le huis clos de bureaux d’impôts, relevaient de coïncidences individuelles, de destins personnels détachés de toute structure.

Le service public n’est plus un lieu, c’est un labyrinthe

La réalité, les syndicats la décrivent sans détour : un mal-être profond, ancien, structurel. Fermetures de sites, suppressions de postes, injonctions contradictoires, perte de sens du travail. Les agents de Bercy, autrefois figures d’autorité, sont aujourd’hui confrontés à un public souvent hostile, à des outils de plus en plus opaques, à des objectifs de rendement toujours plus serrés.

Ils doivent redresser, taxer, réclamer, expliquer… tout en gérant leur propre déshumanisation. Ce n’est plus l’administration d’hier, enracinée dans les territoires, connue de ses usagers. C’est une mécanique distante, délocalisée, numérisée jusqu’à l’absurde.

Des morts silencieuses dans un État bruyant

Il aura fallu treize drames pour que la direction accepte de convoquer une réunion. Treize vies brisées pour qu’on accorde deux heures de dialogue à quatre syndicats. Mais quelle écoute réelle derrière ces murs ? Quelle volonté de comprendre ?

Dans un document interne daté du 8 avril, on concède du bout des lèvres que « ces drames requièrent notre plus grande attention ». C’est bien le minimum. Pendant ce temps, les agents, eux, travaillent à flux tendu. Parfois jusqu’à la rupture.

La République ne protège plus ses propres serviteurs

À force de parler de « simplification », on a transformé le service public en interface. À force de gestion budgétaire, on a gommé l’humain. Et à force de discours sur la « performance », on a oublié que derrière les formulaires et les chiffres, il y a des êtres humains.

Ils ne manifestent pas. Ils ne bloquent pas les routes. Ils ne cassent pas des vitrines. Ils meurent en silence, dans des bureaux anonymes, au cœur d’une machine qui semble ne plus savoir pour qui elle fonctionne.

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