Linky : fraude massive, aveuglement politique et société sous tension

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Il fut un temps où l’on volait l’électricité en accrochant une pince à linge sur un disjoncteur. Aujourd’hui, c’est plus propre, plus technologique, et infiniment plus lucratif : le compteur Linky est devenu l’objet d’un piratage de masse, au cœur d’une guerre feutrée entre citoyens exaspérés, hackers bricoleurs, et gestionnaires de réseau à bout de nerfs. Enedis tire la sonnette d’alarme : plus de 100.000 compteurs trafiqués, des pertes évaluées à plusieurs centaines de millions d’euros, et une fraude désormais industrialisée.

La technologie, cheval de Troie de la défiance

Présentés à leur lancement comme les joyaux de la modernité écologique, les compteurs Linky sont aujourd’hui le symbole d’une fracture civique. Déployés à grand renfort de promesses – économies, simplicité, transition énergétique – ces boîtiers connectés sont de plus en plus considérés comme des intrus : espionnage potentiel, coupures à distance, données siphonnées, et désormais, porte d’entrée pour une fraude organisée et rentable.


Le paradoxe est savoureux : le compteur censé sécuriser le réseau est devenu son point faible.

Fraude démocratisée, sanction marginale

Enedis reconnaît que tout le monde est concerné : restaurateurs, artisans, particuliers… Il n’y a pas de profil type. Certains se contentent de vidéos en ligne pour apprendre. D’autres payent des « spécialistes » pour modifier le circuit, voire imitent les scellés posés par l’entreprise. Un tiers, voire deux tiers de la consommation disparaît ainsi des radars.

Pendant ce temps, les contrôles se multiplient – 121 en une seule journée –, les équipes d’Enedis traquent les anomalies de consommation, les câbles suspects, les baisses subites. Mais sur le plan judiciaire ? Silence. L’entreprise parle de « tolérance zéro », mais se garde bien de dire combien de plaintes ont abouti. La fraude est un pari risqué… mais rarement perdu.

Un symptôme d’une société désaccordée

Bien sûr, trafiquer son compteur reste une infraction. Mais ce que révèle cette explosion de la fraude, c’est autre chose qu’un simple problème de sécurité énergétique. C’est le portrait d’un pays en tension. Un pays où les prix de l’énergie explosent, où des ménages doivent arbitrer entre se chauffer et manger, pendant que les discours officiels chantent les louanges de la « sobriété heureuse ». Un pays où l’État impose, surveille, taxe, mais ne protège plus.

Frauder devient, pour certains, une réponse à un système perçu comme injuste. Une forme de revanche. De désobéissance électrique.

Un fiasco qui interroge jusqu’à l’autorité

Linky devait rationaliser le réseau. Il risque surtout de généraliser la défiance. Enedis double ses agents assermentés, traque les tutoriels sur TikTok, envoie des lettres recommandées… mais rien n’y fait. On ne lutte pas contre un sentiment d’injustice avec des techniciens et des procès-verbaux.

Car la vérité, c’est que la fraude se nourrit d’un climat d’impunité global, d’un effondrement du respect de la loi ordinaire, et d’un sentiment partagé que les règles ne sont plus les mêmes pour tous. Pendant que certains trichent pour alléger leur facture, d’autres s’offrent yachts et exonérations.

Et dans ce contexte, un fil dénudé sur un Linky trafiqué n’est plus un acte isolé : c’est un symptôme.

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