Circulaire de rentrée 2025 de l’Éducation nationale : les grandes illusions de la machine éducative

Illustration : LLP

La circulaire de rentrée 2025, pompeusement intitulée « Tenir la promesse républicaine de l’École », s’étale sur des dizaines de pages avec la solennité d’un sermon ministériel. On y retrouve tous les ingrédients d’un exercice bien rodé : vocabulaire technocratique, avalanche d’acronymes, éloge de la diversité des parcours, et bien sûr, l’obsession pathologique de « l’égalité ». L’égalité partout, l’excellence nulle part.

Toujours plus de promesses, toujours moins de résultats

La promesse pourrait être belle : élever le niveau général, garantir les mêmes chances à tous, combattre les déterminismes sociaux, genrés, territoriaux… Mais à force de courir après toutes les causes à la fois, l’Éducation nationale s’égare dans une logorrhée inefficace et aveuglée par ses propres dogmes. Derrière les grandes incantations, un constat s’impose : le niveau chute, la discipline s’effondre, et les enseignants, harassés de réunions inutiles, n’enseignent plus, ils administrent.


Des groupes de niveau… sans le nom

Depuis la 6e, des « groupes de besoins » doivent permettre une pédagogie différenciée. On n’ose pas parler de « groupes de niveau », cela heurterait la religion égalitariste. Pourtant, on y est. Mais attention, interdiction formelle de regrouper les perturbateurs ensemble, ni les élèves en grande difficulté : il ne faut surtout pas stigmatiser. Résultat ? L’enseignant jongle entre dix profils, sans levier efficace.

On évalue, on « fluence », on module… mais toujours sans heurter la bonne conscience ministérielle. L’élève roi est au centre du dispositif, mais le savoir, lui, est repoussé en périphérie.

Le retour de l’écriture comme priorité nationale

Après avoir détruit patiemment l’exigence orthographique, moqué la dictée, supprimé la rédaction au profit de l’analyse de documents, voici que l’on s’inquiète soudainement de la disparition de l’écrit. Miracle ! L’écriture redevient un pilier du système. Il aura fallu quarante ans d’errance pour s’apercevoir qu’on ne pense pas sans écrire.

Reconquérir l’écrit, dit la circulaire. Mais avec quels professeurs ? Ceux qu’on n’a pas su former, qu’on a découragés par des concours absurdes et des formations idéologiques ? Ceux qu’on remplace désormais par des contractuels non formés, faute de candidats ?

Orientation : quand l’école devient un salon de l’étudiant permanent

Autre lubie bureaucratique : l’orientation précoce. Dès la 5e, les enfants devront se projeter dans leur avenir professionnel, visiter des entreprises, remplir des portfolios, rencontrer des « rôles modèles »… On infantilise les adultes et on professionnalise les enfants. On ne veut plus former des esprits, mais des profils LinkedIn.

Le programme « Avenir(s) » en est la quintessence : fiches métiers, auto-évaluation, indicateurs de suivi, modules en ligne, et bien sûr, implication renforcée des familles. Ce n’est plus une école, c’est un guichet d’accompagnement de trajectoires.

Intelligence artificielle et autres gadgets

L’IA générative est entrée dans l’école. L’élève, qui ne maîtrise déjà ni la grammaire, ni la syntaxe, ni les règles de base de l’argumentation, va désormais « développer sa compréhension des algorithmes ». Une idée géniale : la technique viendra sauver ce que la pédagogie a détruit. Blague à part, derrière cet énoncé, le projet est beaucoup plus pervers : tenter de convaincre nos enfants que les algorithmes de X (au hasard…) leur présentent une version politisée de la réalité. Alors qu’à France TV… c’est tellement mieux…

On distribue des formations sur la plateforme Pix, on réfléchit à l’usage éthique de l’IA… Mais au fond, on ne maîtrise déjà plus le numérique dans l’école. L’obsession de « l’éducation aux médias » masque mal l’échec de la transmission des fondamentaux. On parle de citoyenneté numérique à des enfants qui confondent Homère et Homer Simpson.

Valeurs républicaines : l’idéologie en pilier pédagogique

La circulaire consacre des pages entières à la promotion de la laïcité, à la lutte contre les discriminations, à l’éducation à la sexualité, aux parcours citoyens, aux projets mémoriels… Ces obsessions masquent (mal) un vide : on n’enseigne plus ce qu’il faudrait, car on est trop occupé à transmettre ce qu’il faut penser.

Chaque événement devient un support d’apprentissage : Panthéon, Bleuet de France, Marine nationale… L’histoire devient un prétexte à l’animation. Le savoir est supplanté par l’émotion collective et l’édification morale. Le citoyen prime sur l’élève.

La santé mentale comme pansement du chaos scolaire

Climat scolaire, bien-être, santé mentale, repérage des signaux faibles… L’école devient un centre médico-social. On parle moins de discipline que de « protocoles ». On ne punit plus, on accompagne. On ne responsabilise plus, on protège.

Chaque élève aura deux référents de santé mentale. Les chefs d’établissement deviendront bientôt des chefs de clinique. Et pendant ce temps, des enseignants menacés, des classes ingérables, et des savoirs sabordés.

Violence et harcèlement : discours martial, réalités molles

Le harcèlement scolaire, les agressions, les intrusions : tout cela est abordé avec gravité. On promet des questionnaires, des numéros à appeler, des signalements systématiques. Mais on ne dit rien de l’autorité. On préfère faire de l’affichage, multiplier les « mallettes pédagogiques », renforcer le suivi… sans jamais parler de fermeté, de sanctions, de respect.

La violence à l’école n’est pas une variable administrative, c’est le symptôme d’une institution qui ne se fait plus respecter

Une École de la République en trompe-l’œil

La circulaire de rentrée 2025 prétend bâtir une école de l’exigence, de l’égalité, de l’émancipation. En réalité, elle organise le pilotage à distance d’un système qui croule sous les protocoles, les indicateurs, les slogans. Une école du slogan, et non de l’action. Une école de la prévention, non de la transmission.

C’est le règne de l’illusion républicaine : chacun y croit encore, pour ne pas admettre que le roi est nu. On annonce une élévation du niveau général, mais on refuse la sélection, la hiérarchie des savoirs, et la rigueur. On célèbre l’égalité des chances, mais on nie l’effort, le mérite, la culture comme levier d’ascension.

L’école rêvée par cette circulaire est inclusive, numérique, transversale, laïque, participative, égalitaire… mais elle oublie d’être enseignante. La seule promesse qu’elle tiendra, c’est celle de l’enlisement.

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