Il y a des jours où l’on peine à croire ce que l’on lit. Le ministre allemand de l’Intérieur, Alexander Dobrindt (CSU), vient d’annoncer son intention de négocier directement avec le régime taliban en Afghanistan. Objectif : faciliter les expulsions de migrants afghans en situation irrégulière sur le sol allemand. Une première en Europe. Et un aveu saisissant : l’Allemagne, jadis chantre des droits de l’homme, s’apprête à traiter d’État à État avec un pouvoir islamiste qui opprime les femmes, persécute les minorités et nie la liberté la plus élémentaire.
Une politique migratoire sous tension
Le gouvernement du chancelier Friedrich Merz, élu sur une ligne de fermeté face à la crise migratoire, cherche visiblement à frapper fort. Après la suspension du regroupement familial, le retour des contrôles aux frontières et les expulsions systématiques, voici maintenant le dialogue direct avec Kaboul. On justifie cela par les chiffres : 3,3 millions de demandeurs d’asile en Allemagne, dont près de 350.000 Afghans. Et une série de faits divers sanglants, qui ont choqué l’opinion, souvent impliquant des demandeurs d’asile afghans ou syriens.
Alors, que faire ? La tentation est grande d’aller vite, de se débarrasser du problème en négociant avec n’importe qui. Même avec les talibans.
Realpolitik ou trahison morale ?
Négocier avec les talibans, c’est accorder un vernis de respectabilité à ceux qui ont transformé l’Afghanistan en prison à ciel ouvert, notamment pour ses 21 millions de femmes. Cela revient à piétiner l’ensemble des principes démocratiques sur lesquels l’Occident prétend encore s’appuyer.
Mais surtout, cela révèle une vérité gênante : l’Europe est à ce point dépassée par les conséquences de ses choix migratoires passés qu’elle en vient à pactiser avec l’ennemi. Le « Wir schaffen das » de Merkel est devenu un fardeau économique, sécuritaire et politique que le gouvernement Merz tente de gérer à la hache.
Divisions internes et critiques internationales
Les alliés du gouvernement, notamment le SPD, voient rouge. Leur indignation est certes légitime, mais bien tardive. Ils ont eux-mêmes contribué, pendant des années, à ouvrir grand les vannes de l’immigration. Aujourd’hui, ils s’offusquent de devoir en gérer les conséquences.
Quant à l’ONU, elle s’émeut, comme toujours, avec un temps de retard. Elle condamne l’idée de ces expulsions directes. Mais qu’a-t-elle fait, depuis 2021, pour soulager les pays européens face à la pression migratoire afghane ? Rien, ou presque. L’indignation est facile quand on n’est pas au pied du mur.
Vers un précédent européen ?
Si l’Allemagne ouvre la voie, d’autres suivront. L’Italie, le Danemark, les Pays-Bas : tous cherchent des moyens de reprendre la main. Les discussions informelles lors des sommets européens sur « l’externalisation » des retours, sur les prisons louées à l’étranger, sur les centres de tri hors UE, montrent que l’idée fait son chemin. Ce que certains appelaient hier une « honte », devient aujourd’hui une solution « pragmatique ».
Un Occident débordé négocie avec les talibans. Voilà où mène l’aveuglement idéologique des décennies passées. L’immigration massive, sans contrôle ni assimilation, nous pousse aujourd’hui à faire alliance avec l’obscurantisme pour tenter de garder le contrôle. C’est le prix amer de l’utopie.