Thierry Ardisson : la confession désenchantée d’un repenti postmoderne

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La télévision a désormais ses messes du soir. Ce mercredi, c’est TF1 qui célébrait la sienne : La face cachée de l’homme en noir, portrait-fleuve de Thierry Ardisson signé Audrey Crespo-Mara. Un documentaire à mi-chemin entre le règlement de comptes freudien et la confession mystique, où se mêlent enfance cabossée, toxicomanie, crise existentielle… et retour à Dieu.

De quoi satisfaire la société du spectacle dans toute sa dévotion morbide. Mais derrière le pathos, quelques vérités affleurent. Et elles sont plus politiques qu’il n’y paraît.


Le miroir d’une génération qui s’est perdue

Ardisson raconte, le regard lointain : une enfance nomade, une mère absente, une haine de soi, une jalousie maladive envers un frère cadet… jusqu’au jour où, dit-il, il met le feu à la grange où ce dernier s’est réfugié. Et puis, la pension, les curés, et cette phrase glaçante : « Comment un mec comme moi a pu se retrouver dans cette famille ? »

La figure de l’enfant mal aimé, devenu adulte en quête de sens, c’est la rengaine d’une époque. Celle des boomers tardifs, persuadés d’avoir été mal compris, mal élevés, mal aimés. Alors, pour combler le vide, vient la grande illusion : la drogue comme passeport vers un ailleurs. Jusqu’au Laos, dans les volutes d’opium, à traquer un absolu qu’il ne trouvera jamais.

Le vide spirituel de la modernité

Mais ce que ce récit révèle en creux, c’est le prix payé par une génération sans racines, sans transmission, sans transcendance. Dans un monde où Dieu avait disparu, les idoles se sont appelées héroïne, télévision, notoriété.

Et puis soudain, la chute. Ardisson avoue, pudique : « Ce qui m’a sauvé, c’est la Foi ». On s’étonnerait presque. L’homme en noir, ce bouffon de plateau qui provoquait, jurait, bousculait, aurait fini par se mettre à genoux ? Oui, dit-il. Et mieux encore : il prie. Il y croit. Il a des crucifix chez lui.

On rit jaune. Mais c’est peut-être là que réside sa seule cohérence. Car, à force d’avoir touché le fond, Ardisson a compris que la lumière ne venait pas des néons du showbiz. Elle vient d’ailleurs. De plus haut. De plus loin.

Le désenchantement télévisé en prime-time

Ce documentaire ne nous dit pas seulement la trajectoire d’un homme ; il nous parle d’une époque. Celle où la télé a remplacé les confesseurs, où la parole intime devient contenu, monétisé en prime time. Ardisson se raconte, mais c’est nous qu’il montre : notre fascination pour le spectaculaire, notre besoin de chute et de rédemption empaquetées en 90 minutes.

Crespo-Mara signe ici un hommage sobre, presque religieux. On aurait aimé davantage de distance. Mais l’homme en noir ne l’a jamais laissée à personne. Il s’impose, encore une fois, comme une figure ambiguë : transgressif mais croyant, provocateur mais mystique, arrogant mais écorché.

Ardisson a vieilli. Puis il a vu approcher la mort. Il l’a regardée, presque avec tendresse. On sent qu’il était prêt. Comme s’il avait compris, enfin, que l’essentiel n’était pas dans les punchlines, mais dans le silence.

Au fond, Thierry Ardisson n’était pas qu’un personnage. Il était un symptôme. Celui d’une génération qui a tout eu, tout brûlé, et qui revient doucement au seuil de la Vérité.

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