Il fallait oser. Dans un pays où les retraités sont déjà pris pour cible dès qu’il s’agit de faire des économies, un comité d’ »experts » propose tranquillement de désindexer leurs pensions de l’inflation. Une manière pudique de dire que l’on va rogner, année après année, le pouvoir d’achat de ceux qui ont travaillé toute leur vie. Le tout au nom d’un dogme budgétaire dont on épargne soigneusement les causes profondes : la gabegie publique, les milliards gaspillés dans des politiques sans contrôle, et le refus chronique de s’attaquer aux vraies sources du déficit.
Quand les économistes font les poches des retraités
Le Comité de suivi des retraites ne cache pas ses intentions : dans un pays surendetté, il faut bien trouver l’argent quelque part. Et tant pis si ce sont les anciens qui trinquent. Après tout, disent-ils, leur niveau de vie serait « élevé en comparaison européenne ». Comme si la vieillesse devait être punie dès qu’elle dépasse la moyenne. Comme si l’on devait faire payer à nos aînés le fait d’avoir économisé toute leur vie.
On évoque une sous-indexation « modérée » de 2 %, peut-être 2,4 % d’ici 2030. Un chiffre en apparence anodin. Mais dans les faits, c’est une baisse de revenu masquée, insidieuse, qui grignotera chaque année le quotidien de millions de retraités. Et l’on ose parler de « contexte de forte épargne » pour justifier la manœuvre. Comme si avoir mis de côté pour ne pas finir dépendant de l’État devenait soudain un crime fiscal.
Le retour du vieux mépris technocratique
Ce n’est pas la première fois qu’on tente de faire passer la pilule. Déjà l’an dernier, on avait imaginé revaloriser les pensions à « moitié d’inflation ». Comprendre : les prix explosent, mais vos revenus, eux, font du surplace. Le Conseil constitutionnel avait censuré l’opération, mais l’idée n’a pas disparu. Elle revient par la petite porte, poussée par des « experts » aux salaires confortables et aux retraites garanties.
C’est toujours le même cynisme : on commence par dire qu’on ne veut « cibler personne », puis on ajuste doucement les curseurs pour viser ceux qui ne bloqueront pas les rues. Moins remuants que les syndicats, moins protégés que certains fonctionnaires, les retraités deviennent la variable d’ajustement idéale. Silencieux, respectueux, ils encaissent.
Une France qui trahit ses anciens
Le plus insupportable dans ce discours, c’est la logique comptable qui éclipse toute considération humaine. On parle de « pilotage », de « taux de remplacement », de « visibilité budgétaire », comme si la retraite n’était pas une part essentielle de la dignité. On oublie que derrière ces pourcentages se cachent des personnes qui, souvent, soutiennent financièrement enfants et petits-enfants, paient encore un loyer, une mutuelle, ou les frais de dépendance d’un conjoint malade.
Plutôt que de regarder en face les dépenses inutiles, l’immigration incontrôlée qui coûte des milliards chaque année, ou encore les niches fiscales réservées aux grandes multinationales, nos brillants cerveaux préfèrent raser les pensions. Parce que c’est plus facile. Plus rentable politiquement. Et moins risqué électoralement — pour l’instant.
Un sacrifice de trop
À force de vouloir faire des économies sur le dos des classes moyennes, des familles et des retraités, c’est le pacte social tout entier que l’on fracture. Les Français ne sont pas dupes. Ils savent que ce n’est pas un effort « partagé ». Ils voient bien que certains paient, quand d’autres profitent. Et que ceux qui donnent le ton n’ont jamais connu la moindre fin de mois difficile.
Sous-indexer les retraites, c’est peut-être « technique » sur le papier. Mais c’est profondément injuste dans la réalité. Et c’est, au fond, un aveu : celui d’un État incapable de faire des choix courageux, préférant toujours tondre les moutons dociles plutôt que de couper les branches pourries du système.