Sébastien Delogu, quand un député confond mandat électif et placement de produit

Illustration : LLP

Il est des vidéos qui en disent plus long qu’un discours à l’Assemblée. Assis dans une voiture, le député LFI Sébastien Delogu affiche un large sourire. Face caméra, il enchaîne les superlatifs : « très, très, très bien accueilli », « pris en charge de A à Z », « je ne vous oublierai jamais ». On croirait entendre un influenceur vantant les mérites d’un hôtel de luxe, sauf qu’il ne s’agit pas d’un youtubeur lambda, mais d’un élu de la Nation. Et que la société mise à l’honneur dans cette saynète n’est autre qu’une entreprise privée algérienne de « conciergerie haut de gamme ».

La scène serait simplement grotesque si elle n’était pas aussi préoccupante. Un député français, en déplacement en Algérie, se filme pour faire la publicité d’une entreprise privée locale, carte de visite à l’appui, dans une vidéo produite… par ladite entreprise. L’agence la republie en le remerciant chaleureusement. Puis, devant le tollé, elle supprime le contenu. Trop tard : les images circulent, les réactions fusent, et une question s’impose avec une simplicité désarmante : à quel moment un élu de la République est-il devenu agent publicitaire ?


Le mélange des genres comme marque de fabrique

Chez LFI, on est souvent prompt à dénoncer la collusion entre politiques et intérêts privés, à crier à la corruption dès qu’un ministre serre la main d’un chef d’entreprise. Mais quand l’un des leurs affiche sans gêne le logo d’une société étrangère tout en en vantant les services, on nous explique que « c’est humain », « c’est chaleureux », voire « c’est du soft power citoyen ». Que dirait Jean-Luc Mélenchon si un député Renaissance se filmait en train de remercier Vinci pour l’avoir bien conduit sur l’A10 ?

On croyait la gauche radicale hostile aux logiques marchandes. La voilà qui se convertit à la stratégie des influenceurs sponsorisés, avec la carte tricolore pour légitimer le tout.

Une question juridique qui dérange

Les internautes, eux, ne s’y trompent pas. Beaucoup évoquent une possible prise illégale d’intérêts, voire une infraction au code de déontologie parlementaire. Et ils n’ont pas tort. Un député n’a pas le droit d’utiliser sa fonction pour faire la promotion d’une entreprise privée. Encore moins lorsqu’il s’agit d’une société étrangère, dans un contexte diplomatique tendu.

Mais à gauche comme à droite, peu de voix s’élèvent au sein de l’hémicycle. L’omerta est pratique quand le scandale vient de vos rangs. On préfère dénoncer les « polémiques artificielles » montées par les réseaux sociaux plutôt que d’assumer le problème de fond : la banalisation du conflit d’intérêt chez les élus qui se veulent, pourtant, les parangons de la morale publique.

La diplomatie touristique selon LFI

Au-delà de l’aspect juridique, c’est l’image renvoyée qui interroge. Que penseront les Algériens de cette déclaration sucrée d’un député français ? Que penseront les entreprises françaises du fait qu’un parlementaire tricolore joue les porte-parole d’un prestataire algérois ? Et que pensent les électeurs des Bouches-du-Rhône, ceux-là mêmes qui ont élu Sébastien Delogu pour défendre leurs intérêts, en le voyant faire la promotion d’une conciergerie à Alger comme on vendrait une box cadeau ?

L’épisode est pitoyable. Et révélateur d’un parlement devenu, trop souvent, une scène de storytelling personnel.

De l’Assemblée nationale à TikTok : la dérive d’une génération politique

À force de vouloir « faire peuple », certains élus finissent par se comporter comme des stars de téléréalité : ils se filment, s’enregistrent, se remercient, et oublient ce pourquoi ils ont été élus. L’affaire Delogu illustre ce que devient la représentation nationale quand elle est contaminée par les logiques de l’image, de l’instant, de la personnalisation sans limites.

Ce n’est plus la parole politique, c’est la reco client. Mais cette fois, le client, ce n’est plus le citoyen. C’est une boîte privée qui, l’espace d’un clip viral, a pu s’offrir la caution d’un député français.

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