Un sacrement est un rituel religieux (gestes et/ou paroles) revêtant un sens liturgique ou sacré. À travers le sacrement, la personne reçoit un  »don de l’Esprit ». Pour Thomas d’Aquin, le sacrement n’est pas un simple geste ou signe reliant à un principe supérieur : c’est aussi une action dynamique.

La République et la Nation peuvent aussi revendiquer des  »sacrements laïcs », des actes solennels qui expriment un sens élevé et sacralisent le lien du citoyen à sa cité. Le plus important des principes supérieurs est sans nul doute la Liberté, et cette forme d’amour profane que sont l’Égalité, la Fraternité, la Solidarité.

La Liberté garantit le droit absolu de choisir : choix individuels d’abord, mais aussi les choix collectifs dont le rituel d’expression est le scrutin, et le principe supérieur, la Majorité.

À l’heure où ce principe est sans cesse malmené, il est utile d’en rappeler les raisons profondes, indépassables, imprescriptibles, inaliénables. Car on a allégué les possibles dangers de la règle de majorité : Benjamin Constant fut un des premiers à le dire, avec des arguments bien faibles : « Le droit de la majorité est le droit du plus fort : il est injuste » . Or, au contraire, le vote, dont résulte une majorité, est un abandon de la force, notamment celle des autocraties. Tocqueville craint aussi une possible  »tyrannie de la majorité », et lui fixe une limite, morale (l’Humanité) et juridique (les droits acquis, la Constitution). Et Stuart Mill redoute, dans les mêmes termes, cette  »tyrannie de la majorité » : « Il est donc possible que les  »gens du peuple » soient tentés d’opprimer une partie des leurs ; aussi est-ce un abus de pouvoir dont il faut se prémunir au même titre qu’un autre » (De la Liberté, 1859).

Certes en ce 19e siècle enfiévré par sa quête politique, chacun avait présents à l’esprit les dérèglements sanglants de la Terreur. Des dérèglements broyant les majorités d’idées (celle des Girondins) à la suite d’une exaspération du processus révolutionnaire, après que les ultra de la monarchie eurent refusé de considérer la majorité nationale exprimée lors de la Fête de la Fédération (14 juillet 1790).

Notre histoire démontre qu’un refus de démocratie peut engendrer une dictature inverse. La quête de majorité passe par différents systèmes de scrutins : démocratie directe ou représentative ; majoritaire à un ou deux tours, majorité simple ou renforcée ; proportionnelle, intégrale ou mixte ; referendum obligatoire ou d’initiative ; et toutes les combinaisons possibles de ces différentes formules.

Mais il faut se dresser avec énergie contre toute tentative de confiscation du Principe de majorité. Or, nous avons subi – et subissons continûment – des cas de  »sacrilège », de  »lèse-démocratie », dont bien peu s’émeuvent. L’adoption du  »Traité » de Lisbonne par un congrès indigne en 2008 en fut un des plus scandaleux exemples. D’ailleurs, elle marqua au front les deux partis dominants à l’époque, qui se sont depuis auto-consumés, et leur avatar (LREM) suivra le même sort. Désormais, en outre, toutes sortes de minorités iconoclastes affirment leur caprice d’imposer leur  »loi  » à la majorité. Celle-ci n’est dite silencieuse que parce qu’une oligarchique politique l’empêche de s’exprimer.

Gardons à l’esprit la forte démonstration, par Rousseau, de la supériorité de la règle de majorité sans laquelle il n’est pas de démocratie : il insiste sur l’unité du peuple autant que sur la liberté du citoyen, ces deux chemins vers l’intérêt général. La minorité – dit-il – se trompe sur ce qu’est l’intérêt général : l’unanimité, ou à tout le moins un consensus, se réalise donc a posteriori du scrutin.

Deux dérives mortelles menacent la démocratie : celle de la supranationalité qui interdit à une majorité nationale de juger de son propre intérêt général (une atteinte grave aux droits des peuples à disposer d’eux mêmes) ; et celle des groupes victimaires ultra minoritaires de toutes natures, constitués en lobbys agressifs qui tentent d’imposer leur volonté à la majorité .

Prenez garde et tirez les leçons de l’Histoire : elles sont terrifiantes. Redonnez toute sa place au  »Sacrement de Majorité ». Craignez que la Nation ne le reprenne de force à ceux qui, par cynisme, perversité ou inconscience, auraient bafoué la Liberté dont le  »sacrement de Majorité » est à la fois la cause et l’effet .

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