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Le cardinal Robert Sarah, préfet émérite de la congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, a été longuement interrogé par nos confrères de VA. Extraits :

Aucune civilisation n’a les promesses de la vie éternelle ! Oui, l’Occident chrétien peut mourir s’il renonce à son âme et à sa foi au Christ Jésus ! Sans la foi, l’Occident est un corps sans âme, c’est-à-dire un cadavre !

Sous les coups des envahisseurs barbares, des pans entiers du christianisme de l’Antiquité ont autrefois disparu en Afrique du Nord et en Asie mineure. Désormais, la barbarie matérialiste est dans les cœurs et les esprits. Il se peut que le christianisme européen soit finalement réduit à une toute petite minorité, tolérée si elle se tait, persécutée si elle ose parler. Alors, les chrétiens seront peut-être de vrais disciples du Christ crucifié : haïs et méprisés par le monde. Mais on ne peut souhaiter une telle situation. Car les plus faibles et les plus craintifs n’oseraient plus alors annoncer ni exprimer leur foi.

Le christianisme européen peut aussi se réveiller et de nombreux signes semblent l’indiquer. Au cœur du désert spirituel de la société contemporaine, nous voyons se former des oasis réunissant des familles autour de paroisses vivantes et de monastères fervents. Ces chrétiens sans complexes s’efforcent de vivre généreusement une vie chrétienne exigeante. Ils font mon admiration. Ils prient, sont attentifs à la qualité de leur formation catéchétique, ils évangélisent et se mettent au service des plus délaissés.

Il y a peu, je lisais une étude qui indique que, alors qu’on peut parler d’un véritable suicide démographique de l’Europe, les croyants sont les seuls à susciter encore des familles nombreuses. C’est pour moi un signe très net : sans la confiance en un Dieu bon et paternel, on perd le désir même de la vie et de la fécondité. Si l’enfant n’est pas reçu comme un don de Dieu, alors il devient un poids, un frein dans la recherche d’une vie matérielle confortable. Si la foi en Dieu ne nous nourrit pas d’espérance, pourquoi vouloir engendrer ? Ne voit-on pas de nos jours des écologistes radicaux et sans foi en Dieu prêcher avec résignation la nécessité de l’extinction de l’espèce humaine et inviter avec conviction à cesser de donner la vie à des enfants ?

Dans d’autres régions du monde, le christianisme progresse. Comment expliquer cette différence ? Quelle est la recette des christianismes asiatique ou africain ?

En Afrique comme en Asie, les chrétiens risquent souvent leur vie pour leur foi. Comme les premiers chrétiens, ils choisissent souvent de vivre la pauvreté évangélique et de prendre au sérieux les exigences des enseignements de Dieu. Ils ne sont pas anesthésiés par le confort matériel. Ils marchent parfois des heures à pied pour venir à la messe. En Occident, on se veut tellement “spirituel” que la foi devient une idée, voire un fantôme ! Une foi qui n’est pas concrète, qui ne demande aucun renoncement, qui ne coûte rien peut-elle rester vivante ? En Afrique, la foi est tout simplement le cœur, l’ossature de la vie quotidienne. On n’a pas peur de l’incarner à travers des pratiques de dévotion populaire, à travers la prière publique ou privée, le jeûne et la pénitence pratiqués collectivement. En Europe, la moindre expression de foi dans l’espace public est perçue comme une transgression. La laïcité peut être une bonne chose si elle n’interdit pas l’expression publique et sociale de la foi. Mais elle devient parfois un fardeau qui contraint à rejeter la croyance dans le domaine strictement privé. Le respect de tous ne nous oblige pas nous amputer de notre foi dès que nous sommes en société.

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