On en sait plus sur le procès qu’intentent France Télévisions et Radio France aux médias libres du groupe Bolloré

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L’audiovisuel public vient donc de franchir un pas supplémentaire dans son bras de fer avec les médias du groupe Bolloré. France Télévisions et Radio France réclament désormais 1,5 million d’euros à CNews, Europe 1 et au JDD. Officiellement, il s’agit de « dénigrement ». En réalité, c’est un nouvel épisode d’une confrontation idéologique qui s’étire depuis des mois, où chaque camp accuse l’autre de miner la confiance du public.

Que les deux mastodontes publics se lancent dans une telle offensive judiciaire n’a pas manqué de surprendre. Même le ministre de la Culture, pourtant issu d’un gouvernement qui ne rechigne jamais à rappeler combien l’audiovisuel public lui appartient, a fait mine de découvrir l’affaire. Rachida Dati a dit son irritation : l’État, actionnaire unique de ces deux groupes financés par l’impôt, n’a pas été prévenu. Sous-entendu : engager l’argent des contribuables dans un procès politique exige au minimum d’en avertir l’autorité de tutelle. Chose qui n’a pas été faite.


Derrière les éléments de langage juridiques, les deux plaintes déroulent la même accusation : CNews, Europe 1 et le JDD auraient orchestré une offensive méthodique, visant à saper la réputation du service public, à le faire passer pour idéologue, militant, partial. Les dossiers transmis au tribunal comprennent des transcriptions d’émissions, montages d’extraits, rappels de séquences, citations multiples. Un travail de veille médiatique – payé par vos impôts -, mené avec une ardeur qui étonne chez des groupes prétendant manquer de moyens.

France Télévisions affirme être la cible d’une action « coordonnée », Radio France parle d’une entreprise organisée pour « déstabiliser » le service public. On pourrait croire à un mauvais roman d’espionnage. Pourtant, la situation est plus simple : l’affrontement est devenu frontal depuis l’affaire Legrand-Cohen, qui a mis en lumière une proximité trop voyante entre des journalistes du service public et certains responsables politiques. Le point de rupture est là.

Les chaînes du groupe Bolloré, elles, n’ont pas choisi la voie de l’esquive. Pascal Praud a déjà prévenu : si le terrain devient judiciaire, la réplique sera proportionnée. Il promet de « s’amuser » à retourner l’accusation, persuadé que les critiques adressées au service public ne sont que des réponses à des attaques antérieures. Chacun campe sur sa ligne, convaincu d’être victime d’une hostilité systématique.

Ce qui se joue n’est pas seulement un conflit entre rédactions. C’est un duel entre deux visions du paysage médiatique : l’une revendique une neutralité dont de moins en moins de Français se disent convaincus ; l’autre assume une ligne éditoriale tranchée mais accuse le service public de confondre impartialité et militantisme discret. Au milieu, le public observe, souvent lassé, parfois amusé, mais surtout méfiant.

L’audience du 29 janvier ne tranchera pas ce débat idéologique. Elle dira simplement si les propos tenus à l’antenne franchissent la ligne du droit de critique. Mais quoi qu’il arrive, ce procès marque un tournant. Pour la première fois, l’audiovisuel public utilise l’arme judiciaire pour tenter de faire taire un média libre qu’il considère comme une menace.

On peut déjà prévoir la suite : une surenchère, des dossiers qui s’empilent, des banderilles échangées quotidiennement. À mesure que les tensions politiques s’accentuent, les tensions médiatiques suivent la même trajectoire. Dans ce climat polarisé, la moindre phrase devient prétexte à procès, la moindre critique à polémique.

La justice dira qui a dépassé la limite.

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