Noël loin des siens : l’autre mission des militaires français

Photo : LLP

Alors que la France s’apprête à se rassembler autour des tables familiales, certaines maisons resteront incomplètes. Pas par hasard. Par devoir. Ce sont celles des familles de militaires, privées d’un mari, d’un père, d’un fils, parfois d’une mère, engagés loin de chez eux au moment même où l’on célèbre la paix, la naissance et la famille.

Dans le récit national, le soldat existe. Il est décoré, salué, photographié. Sa famille, beaucoup moins. Elle attend. Elle organise Noël autrement. Elle apprend à sourire malgré le vide. Elle fait semblant, souvent pour les enfants. Elle cache l’inquiétude derrière les guirlandes.


Les oubliées de la grande muette

Dans l’immense majorité des cas, ce sont des femmes qui tiennent la maison pendant que l’uniforme est ailleurs. Elles assument seules le quotidien, les enfants, les fêtes, les absences prolongées et l’angoisse diffuse qui accompagne chaque mission. Pas de fanfare pour elles. Pas de discours officiel. Peu de reconnaissance publique. Et pourtant, sans cette “base arrière”, aucune armée ne tient longtemps.

La comparaison avec les États-Unis est cruelle. Là-bas, la reconnaissance des familles de militaires fait partie de la culture nationale. En France, elle relève presque de l’angle mort. On célèbre le courage, mais on oublie ceux qui en vivent les conséquences.

Noël sous tension

Pour certaines familles, Noël rime avec patrouille Sentinelle, opération extérieure ou mission prolongée. Le soldat protège. La famille attend. La messe de minuit se fait sans lui. Le repas se garde au congélateur pour un retour incertain. Le téléphone reste à portée de main. On écoute les informations autrement. Chaque alerte résonne différemment.

Et pourtant, aucune plainte. Pas de revendication. Seulement une forme de dignité silencieuse. Une acceptation lucide du sens du service. Ces familles savent pourquoi l’absence existe. Elles savent aussi qu’elle ne supprime ni la douleur ni le manque.

Un sacrifice sans projecteurs

Dans un pays prompt à distribuer des leçons de morale et à réécrire l’histoire, il est frappant de voir à quel point ce sacrifice-là reste invisible. Pas rentable médiatiquement. Pas spectaculaire. Pas compatible avec le confort idéologique de ceux qui méprisent l’uniforme tout en profitant de la sécurité qu’il garantit.

Pour que certains puissent fêter Noël en paix, d’autres y renoncent partiellement. Ce renoncement mérite autre chose qu’un silence gêné. Il mérite au minimum une reconnaissance claire, assumée, publique.

À l’heure où l’on célèbre Noël à grand renfort de slogans creux et de bons sentiments obligatoires, il serait temps de regarder en face ceux qui paient le prix réel de cette paix domestique. Les familles de militaires ne demandent pas la gloire. Elles méritent au moins la gratitude.

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