Il y a parfois, dans une salle d’audience, un silence plus lourd que mille discours. Ce fut le cas lorsque Delphine Daviet-Ropital, la mère de la petite Lola, a pris la parole au quatrième jour du procès de Dahbia Benkired, accusée du viol et du meurtre de l’adolescente de douze ans. Ce jour-là, la justice a cessé d’être une procédure : elle est devenue une prière déchirante.
Debout à la barre, les mains tremblantes, une feuille entre les doigts, cette mère courage a livré ce que personne ne devrait jamais avoir à prononcer. Elle a raconté la douleur, la culpabilité d’abord — cette culpabilité absurde qui ronge les parents lorsqu’ils perdent un enfant — puis la lente compréhension que le mal, le vrai, ne vient pas d’eux. « Nous ne sommes pas coupables, c’est cette chose, le diable », a-t-elle dit, brisant d’une seule phrase toute tentative de justification.
Tout est dit dans ce mot qu’elle emploie : « chose ». Car comment nommer autrement celle qui, selon l’accusation, a détruit une vie, puis une famille, avec une froideur presque inhumaine ? Il n’y a plus d’adjectif assez fort, plus de mot assez juste. Il reste seulement ce cri de mère, ce refus viscéral de voir la barbarie se travestir en humanité.
« J’ai tout perdu : ma Lola, mon mari, mon logement, mon travail… toute ma vie s’est effondrée », a-t-elle ajouté, la voix brisée. Ces mots devraient hanter la conscience d’un pays tout entier. Ils disent l’abîme où tombe une mère, mais aussi le désarroi d’une France qui regarde, impuissante, l’innocence se faire broyer.
Puis, dans un dernier souffle, Delphine Daviet-Ropital a trouvé la force de s’adresser à la cour. Pas avec haine, mais avec la dignité des âmes blessées qui ne cèdent pas à la vengeance :
« Je demande à la justice de faire le nécessaire pour que cette chose soit enfermée toute sa vie. Ne demandez pas autre chose que la perpétuité. Je ne comprendrais pas que la France à laquelle j’appartiens ne prononce pas cette peine. »
La France à laquelle elle appartient. Ces mots, simples et sublimes, résonnent bien au-delà du tribunal. Ils disent un attachement, une foi en un pays qui, malgré tout, devrait encore savoir protéger les siens. Une France qui ne détourne pas les yeux, qui n’oublie pas les enfants assassinés, qui ne banalise pas le mal.
Quand les images de Lola ont défilé — son baptême, ses sourires, les vacances, la lumière d’une enfance — la salle entière s’est effondrée. Delphine, à bout de souffle, n’a pu que murmurer : « Désolée, j’ai du mal à parler de Lola au passé… Je crois que je ne m’en remettrai jamais. »
Et c’est sans doute là, dans cette phrase simple, que réside toute la vérité : il n’y a pas de réparation possible. Il n’y a que la mémoire. La justice, elle, a encore le devoir d’être à la hauteur de cette mémoire — de ne pas trahir la France de Lola.