L’or, l’émeraude… et les voyous

Photo : Zlaťáky.cz

Par un étrange hasard de l’histoire, l’or fascine toujours les barbares. Pas ceux qui bâtissaient des empires, non. Ceux qui aujourd’hui vendent du shit à la sauvette, trafiquent des bijoux volés, ou investissent dans l’émeraude colombienne comme d’autres dans un livret A. Le tout, bien sûr, pour « blanchir », ce mot si propre pour désigner la salissure du siècle.

Le rapport des sénateurs Goulet et Daubet aurait pu s’intituler « L’or des voyous : manuel de survie pour État en perdition ». Car il faut lire pour le croire : 38 à 58 milliards d’euros blanchi chaque année en France. Et pendant ce temps, Bercy traque le pauvre boulanger qui a oublié de scanner une baguette.


Dubaï, nouvelle Mecque des délinquants, est le grand lessiveur du métal jaune. L’or africain transite par les Émirats avec plus de discrétion qu’un ministre socialiste dans un dîner de l’ISF. Recyclé, fondu, affiné : le métal de tous les trafics ressort plus pur qu’un discours de Dominique de Villepin.

Et que dire des émeraudes ? Ces pierres précieuses dans lesquelles investissent désormais nos narcotrafiquants, tels de grands capitalistes globalisés. À croire que la criminalité organisée lit The Economist. On imagine la scène : à Anvers ou Francfort, entre deux coupes de champagne, un « entrepreneur du crime » disserte sur la résistance des gemmes en temps de guerre. L’économie parallèle, c’est le Davos des kalachnikovs.

Mais attention, les sénateurs ont un plan : 50 recommandations ! Plus de PJ, plus d’école, plus de moyens. Ah ! s’il suffisait d’un plan sénatorial pour arrêter les convois d’or illégal et les émeraudes corrompues… Pendant que les commissions d’enquête se succèdent, les voyous, eux, investissent, structurent, diversifient. Du cartel au cabinet d’audit, il n’y a souvent que le costume qui change.

Et Bruno Retailleau de promettre une remobilisation de la filière investigation. C’est gentil. Mais pendant que Beauvau relit ses fiches, Marseille s’ensable sous la poudre, Bobigny fond ses lingots, et Dubaï bâtit ses gratte-ciel sur l’argent sale du monde entier.

Le blanchiment est le vrai nerf de la guerre, disent les sénateurs. Et ils ont raison. Tant que l’or, la drogue et la corruption circulent avec autant de fluidité qu’un colis Amazon, l’État ne sera qu’un figurant dans une économie dominée par le crime.

Car voilà la vérité : dans une République où l’argent liquide du trafic se marie si bien avec le métal fondu et les pierres rares, le mal ne se cache plus dans les caves, il s’expose en vitrine.

Et pendant qu’on rêve encore de le traquer… il nous achète.

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