Pendant que Gérald Darmanin imagine interdire l’argent liquide pour lutter contre le trafic de drogue – avant de reculer, faute de pouvoir convaincre qui que ce soit de sa pertinence –, les Suisses, eux, font ce que font les peuples libres : ils votent.

Oui, votent. Sur tout. Et notamment pour préserver ce que nous sommes en train de perdre, dans une indifférence molle : leur droit à payer en espèces. En déposant une proposition de référendum intitulée « Oui à une monnaie suisse libre et indépendante sous forme de pièces ou de billets », le Mouvement Suisse pour la Liberté rappelle une vérité simple : quand l’argent liquide disparaît, c’est la liberté qui se décompose.

Dans ce monde d’après où tout sera traçable, surveillé, contrôlé, le liquide reste ce dernier rempart, cet ultime espace où l’État ne pose pas ses doigts crochus. Mais en France, ce n’est plus permis. Le liquide, c’est suspect. Le cash, c’est sale. Et chaque prétexte est bon pour le faire disparaître, que ce soit au nom de la lutte contre le crime, l’évasion fiscale ou l’« urgence climatique ». Bientôt, le simple fait d’acheter une baguette sans votre carte bancaire fera de vous un potentiel extrémiste.

Le projet de monnaie numérique européenne n’est pas une lubie de technocrates. C’est un outil. Un outil de contrôle. Demain, les comptes des manifestants gênants, des opposants trop bruyants, des « complotistes » qui refusent le dogme dominant, pourront être gelés. Effacés. Un clic, et votre carte bleue sera aussi muette que votre liberté d’expression.

En Suisse, les parlementaires – ô miracle ! – ont compris l’enjeu. Pas seulement monétaire, mais profondément politique. Ils soutiennent la proposition. Et même si la banque centrale rechigne, le peuple, lui, décidera. Chez nous, une telle initiative n’est même pas envisageable. Pas plus que ne l’est un référendum d’initiative citoyenne, ce vieux serpent de mer que nos dirigeants enterrent dès qu’il se rapproche trop de la surface.

C’est que la France n’est plus gouvernée. Elle est administrée par une caste qui a peur de son peuple. Qui le tient à distance. Qui l’assomme de lois, de normes, de contraintes. Qui le traite en suspect permanent. Les Français peuvent défiler par millions : on leur opposera le Conseil constitutionnel. Ils peuvent signer à tour de bras : leurs pétitions finiront dans les corbeilles d’un ministère.

La Suisse est ce que la France fut, avant que Bruxelles ne nous englue dans sa bureaucratie post-nationale et que nos élites ne choisissent le mépris comme mode de gouvernement. Le peuple suisse a encore voix au chapitre. Le peuple français, lui, n’a plus que les chaînes.