C’est entendu, personne n’aime beaucoup l’ancien ministre. Ses incartades littéraires – bêtises auto-infligées – n’ont pas aidé non plus. Mais, au-delà de ces historiettes, il y a l’honneur d’un homme. Et dans l’état économique dans lequel se retrouve la France, savoir qui a fait quoi, qui a dit quoi, qui a bloqué quoi, relève d’un devoir de mémoire et d’honnêteté.

Or, depuis quelques semaines, il est difficile d’ignorer la petite musique qui vient de plusieurs côtés. Jusqu’à hier. Hier, le Figaro a publié un article sur des note secrètes (dont certaines réellement secrètes, estampillées comme telles), du ministre Le Maire.

Dans le cadre de l’enquête, celui-ci a transmis aux députés de la commission une douzaine de notes qu’il avait envoyées à l’Élysée et à Matignon entre l’automne 2022 et l’automne 2024 pour alerter sur le décrochage en cours des finances publiques. Ces courriers racontent en creux comment, tout en portant sur scène les arbitrages de ses supérieurs, Bruno Le Maire menait, en coulisses, une bataille pour redresser ou, a minima, exposer clairement la situation budgétaire.

Dans une lettre pour Matignon, il décrit même la problématique : des ministres en roue libre qui annoncent des dépenses que Bercy n’a pas validées.

« Nous ne pouvons pas continuer à subir, semaine après semaine, des annonces ministérielles de dépenses supplémentaires qui ne sont ni prévues, ni documentées, ni validées. » En effet, une des techniques musclées de négociation des enveloppes ministérielles lors de l’élaboration du budget, explique Le Figaro, consiste, pour les ministres, à annoncer des augmentations dans la presse à rebours des demandes du ministre de l’Économie, qui tient les cordons de la bourse. À l’Intérieur, à l’époque, « Darmanin est le roi de la manœuvre, commentait un membre de l’ancienne équipe gouvernementale. Pour le budget 2024, il a totalement acculé Bercy en annonçant 1 milliard de crédits en plus pour la police avant d’avoir le feu vert. »

Alors votre serviteur a fait ce que ferait n’importe quel honnête homme : il a appelé et interrogé ses amis qui bossent à Bercy. Simplement pour savoir si on n’avait pas jeté l’opprobre sur la mauvaise personne. Simplement pour savoir si l’honneur de Bruno Le Maire n’avait pas été indument atteint par des gens qui avaient tout intérêt à cacher leur propre impéritie.

Et c’est ce que nous ont confirmé nos contacts. Bruno Le Maire (le problème n’est pas de l’aimer ou non…) a alerté, alerté même sans cesse, contre Matignon qui faisait la sourde oreille, et contre l’Élysée qui préférait un « quoi-qu’il-en-coûte » généralisé.

Le lecteur me dira peut-être que dans l’état catastrophique dans lequel se trouve le pays, je m’attache trop à un détail. Je ne le crois pas. Je ne crois pas que l’honneur d’un homme jeté en pâture pour sauver les véritables coupables soit un détail. Je veux donc ici participer humblement au rétablissement de ces vérités.

Pour l’honneur d’un homme.

Dans cette civilisation que nous tentons de sauver, ça compte.