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Une tribune d’Othman Nasrou, vice-président de la région Île-de-France.

Il est un fait politique majeur de cette élection présidentielle qui a été insuffisamment souligné : c’est le remplacement en profondeur de la gauche traditionnelle par l’extrême gauche. La digue qui les séparait s’est fissurée dans les urnes le dimanche 10 avril, avec un vote utile en faveur de Jean-Luc Mélenchon malgré son ambiguïté sur la laïcité, qu’il caricature en « islamophobie », et son impasse sur l’autorité de l’État, qu’il décrit comme une violence illégitime. Les négociations ouvertes entre le Parti socialiste d’une part et La France insoumise de l’autre ont achevé de faire sauter cette digue. La gauche républicaine ne s’en remettra pas.

Dans nos banlieues, ce bouleversement prend une acuité particulière. Ces territoires étaient jusque-là majoritairement maintenus tant bien que mal au sein de la République par des élus de gauche qui pratiquaient, dans leur discours comme dans leurs politiques publiques, une forme de social-démocratie certes paternaliste, parfois clientéliste, mais qui s’exerçait globalement dans le giron républicain. Malheureusement, depuis une dizaine d’années, on y a observé la montée en puissance d’une gauche beaucoup plus radicale, volontiers communautariste, qui n’hésite pas à alimenter elle-même le repli identitaire, à développer un discours d’opposition entre ces territoires et le reste de la société française, et à préférer finalement le clivage à la cohésion du pays. Le scrutin du 10 avril a marqué la suprématie politique et idéologique de cette nouvelle gauche, ainsi que sa domination sans partage sur la plupart de nos banlieues.

Au-delà des scores vertigineux de Jean-Luc Mélenchon dans ces territoires, il y a aussi eu un vote communautaire puissant et convergent en sa faveur, comme en attestent plusieurs enquêtes. À l’occasion d’un vote dès le premier tour d’une élection présidentielle, et dans ces proportions-là, c’est une première. Il faut réaliser ce que cela signifie : le 10 avril dernier, nos banlieues ont fait sécession. La formule peut choquer, mais cela fait des années que la fracture se creuse, que le risque d’une coupure nette et définitive entre nos banlieues et le reste de la société française devient palpable.

Ce n’est pas faute d’avoir alerté. À Trappes, à l’occasion des élections municipales de 2020 puis de la municipale partielle de 2021, j’ai tenté de réunir tous les républicains sincères pour conjurer ce repli identitaire qui prend désormais un tournant politique. Je crois que, dans cette bataille, le clivage n’est plus entre la droite et la gauche, mais bien entre le camp des républicains universalistes et celui de cette extrême gauche communautariste.

L’élection présidentielle n’a pas permis d’aller au bout de nombreux sujets, dont celui-ci. Pourtant, des solutions méritent d’être débattues. Quel « plan banlieues » voulons-nous, depuis le rejet par Emmanuel Macron du rapport présenté par Jean-Louis Borloo ? Va-t-on enfin sortir d’une approche purement urbanistique et qui ne porte que sur les moyens financiers ? Comment activer réellement le levier de la formation professionnelle dans ces territoires ? Comment mettre un terme aux trafics en tout genre, aux discours identitaires et au clientélisme ? À la radicalité de cette nouvelle gauche, nous devons opposer la radicalité d’une approche totalement nouvelle, sans rien sacrifier de nos valeurs. Sinon, il est à craindre que, bientôt, cette sécession dans nos banlieues ne soit plus seulement électorale. 

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