Suspension de la réforme des retraites, contribution exceptionnelle des grandes fortunes, geste vers les syndicats : le discours de politique générale de Sébastien Lecornu, prononcé mardi à l’Assemblée nationale, a marqué une inflexion majeure. Un virage que beaucoup qualifieront de « social », d’autres de « capitulation » face aux exigences de la gauche et des partenaires sociaux.
À peine reconduit dans ses fonctions après des semaines de crise institutionnelle, le Premier ministre a choisi sa ligne : abandonner le cap libéral affiché depuis 2017, pour se draper dans un costume d’homme « d’ouverture » et de « compromis ». Autrement dit : gouverner avec la gauche pour sauver la majorité.
La réforme des retraites : au placard jusqu’en 2028
C’est la mesure choc de son intervention : la suspension pure et simple de la réforme des retraites, avec gel du relèvement de l’âge légal jusqu’à janvier 2028. Une victoire pour la CFDT, un reniement pour tous ceux qui croyaient encore aux promesses de « redressement » budgétaire. Coût de l’opération : près de 2,2 milliards d’euros sur deux ans. Le tout compensé, dit-il, par des économies… à venir.
Un Premier ministre qui courtise la gauche
Dès ses premiers mots, Sébastien Lecornu a cherché à rassurer : « pas de crise de régime », pas de 49.3, le Parlement « aura le dernier mot ». Mais derrière la formule, c’est bien un geste aux socialistes qu’il fallait lire. Sans eux, le gouvernement tombait dès cette semaine. Résultat : l’ancien proche de Macron a opté pour le compromis permanent, quitte à désavouer son propre camp.
Les riches à la caisse
Autre signe de ce virage à gauche : l’annonce d’une « contribution exceptionnelle des grandes fortunes ». Derrière cette formule se cache un nouvel impôt, présenté comme limité mais qui vise explicitement ceux qui réussissent. Un aveu : après avoir vanté l’attractivité et la compétitivité, l’exécutif reprend la vieille recette socialiste de la surtaxation des « riches ».
Un État qui dépense, un État qui taxe
Certes, Lecornu a bien prononcé la phrase magique : « il est urgent de dépenser moins ». Mais dans le même souffle, il a détaillé une liste de mesures qui alourdissent la facture publique : conférence sur les retraites, future réforme de décentralisation, engagements pour la Nouvelle-Calédonie. Autant d’annonces qui ressemblent davantage à un programme électoral de gauche qu’à une stratégie de redressement national.
Un gouvernement de mission ? Ou un gouvernement sous tutelle ?
En martelant qu’il ne gouvernera « qu’avec le Parlement », Lecornu a officialisé ce que beaucoup redoutaient : l’exécutif n’a plus de cap. Il se contente de négocier au coup par coup, au prix de concessions toujours plus lourdes. Le « gouvernement de mission » ressemble surtout à un gouvernement sous perfusion, suspendu au bon vouloir du PS.
Un pari dangereux
Le choix est clair : acheter la paix sociale et parlementaire, au prix d’une dérive budgétaire et d’un reniement politique. Reste à savoir si cette gauche « partenaire » sera fidèle bien longtemps, ou si elle profitera de la faiblesse du pouvoir pour imposer encore davantage son agenda.
En misant sur le renoncement plutôt que sur la fermeté, Sébastien Lecornu espère sauver son fauteuil. Mais il sacrifie en chemin ce qui restait du socle électoral macroniste. Et laisse la droite – et une bonne partie du pays – médusée devant ce virage à gauche toute.