C’est un chiffre qui claque comme une gifle : plus de la moitié des enseignants veulent quitter leur métier. Voilà ce que révèle le dernier baromètre du Se-Unsa. En clair : ceux qui portent à bout de bras l’Éducation nationale, censée être le socle de la République, n’y croient plus.
On pourrait croire à une crise passagère. Il n’en est rien. Depuis des années, les enseignants français dénoncent des salaires indignes (1.000 euros de moins qu’un cadre de même catégorie dans la fonction publique), des classes surchargées et un État qui les méprise. Résultat : 36 % d’entre eux veulent changer de métier mais rester dans le public, et 26 % songent carrément à fuir vers le privé. Les trois quarts assurent qu’ils ne conseilleraient à personne d’embrasser leur carrière. Quand les « hussards noirs » de la République disent qu’ils ne veulent plus être soldats, il y a de quoi s’inquiéter.
Car le mal est profond. Derrière la crise des salaires, c’est aussi la perte d’autorité et de sens qui épuise les enseignants. Réformes en cascade, pédagogisme à outrance, effondrement du niveau, violences quotidiennes : l’école française ressemble de plus en plus à une machine à broyer ceux qui y travaillent. Les AESH, payées moins que le seuil de pauvreté pour accompagner des enfants handicapés, symbolisent cette politique du mépris. L’État, qui se gargarise de grands discours sur « l’inclusion », se révèle en réalité le premier producteur de précarité.
Mais qu’attendre d’un pouvoir qui a abandonné toute idée d’assimilation, remplacé la transmission des savoirs par le culte des compétences vides et réduit l’autorité des professeurs à néant ? Que reste-t-il d’une école qui ne sait plus dire « non », qui ne protège plus ses enseignants, et qui, pire, les livre à la vindicte de parents procéduriers ou d’élèves violents ?
Alors que le ministre promet chaque année une « revalorisation », la réalité est toujours la même : des salaires bloqués, des conditions de travail qui se dégradent, et des professeurs qui désertent. Demain, qui restera-t-il pour instruire nos enfants ? Ceux qui croient encore à leur mission, malgré tout. Mais pour combien de temps ?
Quand une institution fondamentale se vide de sa substance humaine, ce n’est pas seulement une crise sociale : c’est une faillite nationale. Et dans cette faillite, la responsabilité de l’État est totale.