Nos confrères d’Atlantico publient cet entretien avec ce psychologue. En voici les meilleurs extraits :

Qu’avez-vous compris de leur psyché à cette occasion ? A quel point est-ce, selon vous représentatif de ce qui traversent ces individus ? 

Les individus que j’ai été amené à rencontrer n’avaient pas accès à la culpabilité. Ils ne regrettaient pas les actes qu’ils avaient commis, mise à part devant les juges, qui dans leur majorité faisaient semblant d’y croire. Pour se sentir coupable, encore faut-il pouvoir se mettre à la place de l’autre, ce qui n’est pas le cas de ceux que j’ai pu croiser. Il y a une seconde chose à laquelle ils n’ont pas accès, c’est à la logique cause/conséquence. Ils comprennent bien intellectuellement que s’ils ont affaire à la justice c’est parce qu’ils ont commis des actes répréhensibles par la loi – par la loi, et non par eux. Mais s’ils le comprennent intellectuellement ils ne le métabolisent pas psychiquement. Ils parlent de leurs peines de prisons comme séparées de leurs actes. Ils n’éprouvent pas de culpabilité, mais seulement l’inconfort de s’être fait attraper.

(…)

Vous soulignez leur hostilité à la police a priori, mais quel regard portent-t-ils sur la justice ? 

Si la police est l’objet de haine, la justice est l’objet de mépris. Pour m’être rendu par curiosité à des audiences pénales, le président de la cour pose fréquemment ces questions : « Êtes-vous stable dans la vie ? Avez-vous des attaches ? Une relation de longue durée ? » Les individus de ces meutes ultra-violentes racontent avec amusement préparer à l’avance les réponses toutes-faîtes qui siéront au juge. Ils ont des lettres en système judiciaire et connaissent son fonctionnement, ses fragilités, ses faiblesses et ses angles morts. Pour le reste, la prison est surtout un insigne d’honneur.

Que faire face à ces individus et ces clans, ultra violents mais fondamentalement faibles ? 

Concernant ces phénomènes, il faudrait, comme aurait dit Charles Péguy dans Notre jeunesse, que la société commence par dire ce qu’elle voit et, plus difficile encore, par voir ce qu’elle voit. Continuer à vivre en République n’est pas une rente. Cela exige de la société qu’elle repense une éthique républicaine, qu’elle prenne la mesure de l’éboulement psychique des institutions et de l’État et qu’elle parvienne à se déprendre du masochisme qui est le sien.