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C’est un long fil d’Amaury Bucco sur Twitter, dont nous reproduisons l’intégralité du texte ci-dessous.

Le 14 novembre, le député LFI Rachel Kéké s’est rendue au centre de rétention (CRA) de Plaisir pour apporter son soutien à un ressortissant ivoirien (dénommé Mousse B.) sur le point d’être expulsé dans son pays, après de nombreux démêlés judiciaires.

Mousse B. est né en 1984 en Côte d’Ivoire. Il est aujourd’hui âgé de 38 ans. Il est arrivé régulièrement en France à l’âge de 4 ans, au titre du regroupement familial, et entame dès l’adolescence un long parcours de délinquant « qui se déploie sur 20 années au total » selon les autorités.

Ses déboires avec la police et la justice commencent à la fin des années 90. Il se fait peu à peu connaitre dans le milieu criminel sous les alias « l’Afrique » ou « Buldo ». Il est rattrapé par la justice et condamné à de multiples reprises entre 2003 et 2021, notamment pour des faits de port d’arme, association de malfaiteur, vol avec violence, délit de fuite, violences & outrages, refus d’ob., etc.

« Le quantum total de ses peines s’élève à plus de 15 années d’emprisonnement » indiquent les autorités préfectorale dans un document consulté par CNEWS.

Il est d’ailleurs incarcéré en continu de mai 2012 à novembre 2020. Sa détention est marquée par plusieurs incidents. En 2015, par exemple, après une permission, il ne réintègre pas la prison, ce qui est considéré comme une évasion. Quelques semaines plus tard, il donne un coup de tête à un surveillant.

Selon les services de renseignement, il se radicalise en prison, où il fréquente des détenus proches de la mouvance islamiste. Il est donc inscrit en 2018 au FSPRT (fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste). En conséquence, peu après sa sortie de prison en 2020, il est visé par une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (Micas) qui l’oblige à respecter certaines contraintes, comme ne pas sortir de son département et pointer au commissariat. Mesures qu’il viole à plusieurs reprises, ce qui lui vaut deux nouvelles condamnations à de la prison ferme, l’une en 2021, l’autre en 2022. Lors de cette seconde peine, plusieurs ouvrages « présentant une vision salafo-whabbite de l’islam » sont retrouvés dans sa cellule, selon les Renseignements.

Pour toutes ces raisons, le ministère de l’Intérieur songe à expulser Moussa B. vers son pays d’origine, la Côte d’Ivoire. D’autant que, selon les autorités préfectorales, il n’a obtenu qu’un titre de séjour en 2004 au titre de sa vie privée et familiale, titre qu’il n’a jamais renouvelé par la suite, ce qui lui a valu un arrêté de reconduite à la frontière en 2006.

Oui mais voilà : Mousse B. bénéficie d’une protection quasi absolue contre les expulsions, puisqu’il est arrivé avant l’âge de 13 ans en France et qu’il possède des attaches familiales en France : son père, sa sœur, un enfant (reconnu tardivement) né d’une précédente relation, et une compagne. Le seul moyen de l’expulser est donc de prendre un arrêté ministériel d’expulsion basé sur le danger qu’il représente pour la sureté de l’État du fait de sa radicalisation. Un peu comme pour l’Imam Hassan Iquioussen. Ces motivations ne convainquent toutefois pas la Commission d’Expulsion (Comex), composée de magistrats, qui rend en janvier 2022 un avis défavorable à l’expulsion de Mousse B. Le ministère de l’Intérieur décide néanmoins de passer outre (l’avis de la Comex étant purement consultatif) et prononce un arrêté ministériel d’expulsion en juillet 2022, conformément à la volonté de Gérald Darmanin d’expulser les étrangers dangereux.

Mais pour autant, Mousse B. ne quitte pas la France.

De source policière, il refuse à 8 reprises de se soumettre à un test PCR (nécessaire pour se rendre en Côte d’Ivoire) et fait ainsi annuler 7 retours programmés vers son pays d’origine. Ces multiples refus lui valent d’être déféré, jugé et condamné à de la prison ferme par le tribunal de Meaux pour « refus par un étranger de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’une décision d’éloignement » indique à CNEWS une source judiciaire. Le 5 novembre 2022, à sa sortie de prison, il est placé au centre de rétention administrative (CRA) de Plaisir. Et reçoit alors le soutien du député LFI Rachel Kéké, ainsi que d’un comité composé de ses proches et du militant de banlieue Hadama Traoré, fondateur de l’association La Révolution est en marche. (Hadama Traoré avait déjà fait parler de lui après l’attentat dans la préfecture de Paris, en organisant une manifestation de soutien à Mikaël Harpon qu’il estimait injustement accusé de terrorisme).

Ce comité s’oppose à l’expulsion de Moussa B., qui serait selon eux injustifiée.

Lundi 14 novembre au matin, le député LFI Rachel Kéké se présente ainsi au centre de rétention de Plaisir en compagnie d’une attachée parlementaire, pour rendre visite à Mousse B. La scène est d’ailleurs filmée via Facebook Live par le militant associatif Hadama Traoré.

À noter que le commissariat de Plaisir (qui ne forme qu’un seul et même bâtiment avec le CRA) avait été alerté de cette « manifestation » par les services de renseignement. Même si les participants sont moins nombreux que prévu, la visite tourne dans un premier temps au vinaigre. « Ils cherchaient clairement l’incident, surtout Hadama Traoré » raconte à CNEWS un policier présent sur place. Selon cette source : Rachel Kéké n’aurait pas présenté le justificatif habituel faisant état de sa qualité d’élue ; par ailleurs, Hadama Traoré filme et diffuse la scène contre l’avis des policiers présents sur place ; enfin, les membres du comité de soutien composés d’une demi-douzaine de personnes demandent à pouvoir rentrer tous ensemble, en même temps, dans le centre. La police les autorise finalement a rentrer au compte-goutte, et fait d’abord entrer le député LFI et son assistante. Elles s’entretiennent plus d’une heure avec Mousse B., puis visitent l’établissement (qui comprend 26 places). Le lendemain, mardi 15 novembre, Hadama Traoré appelle sur les réseaux sociaux à « harceler » le standard du centre de rétention.

Selon le même militant, Rachel Kéké aurait par ailleurs contacté l’ambassade de Côte d’Ivoire à plusieurs reprises pour demander la suspension du laissez-passer consulaire octroyé à Mousse B. Contactée à de nombreuses reprises par CNEWS, l’équipe du député LFI n’a pas souhaité répondre à nos questions, et n’a donc pas confirmé ces propos.

Le mardi 15 novembre, l’expulsion de Mousse B. est prévue en toute discrétion. Les autorités françaises ont réussi à négocier son expulsion sans test PCR pour éviter un nouveau refus. Ce jour-là, il est simplement informé qu’il doit se rendre à Roissy pour signer des papiers. Mousse B., qui se doute de qq chose, passe des coups de fil à ses proches. Ces derniers décident de se rendre à l’aéroport pour faire barrage à son expulsion. Le militant associatif Hadama Traoré appelle sur les réseaux sociaux à se rendre au terminal 2E pour rejoindre le comité de soutien à Mousse B. Une fois dans l’aéroport, ils tentent de convaincre les passagers du vol pour Abidjan de refuser la présence de Mousse B dans l’avion, et ainsi faire échouer son expulsion. Mais… ils se trompent de vol.

Mousse B. est expulsé plus tard dans l’après-midi, vers 17h, avec une escorte de 4 policiers de la police aux frontières (PAF) qui font donc l’aller et retour en avion. Il atterrit dans la soirée en Côte d’Ivoire, son pays, le 15 novembre.

Danièle Obono recevant une copie de la plainte.

Le lendemain, l’association d’Hadama Traoré rédige une plainte à l’encontre du ministère de l’Intérieur, accusé d’islamophobie. Contacté par CNEWS, Hadama Traoré explique que les accusations de radicalisation visant Mousse B. ne sont pas fondées et qu’il s’agit de discrimination. Il indique par exemple que l’un des nombreux livres trouvés dans la cellule de Mousse B., dénommé « La citadelle du musulman » et jugé fondamentaliste par les Renseignements, lui a été remis par son aumônier en prison. Contacté par CNEWS, un directeur de prison nous confirme que ce livre n’est pas interdit en prison et qu’il peut être remis par les aumoniers musulmans aux détenus qui le souhaitent. L’association invoque aussi les attaches familiales de Mousse B. en France, ainsi que le statut d’ancien combattant (non confirmé) de son grand-père.

La plainte contre le ministère de l’Intérieur aurait été remise en main propre par la sœur de Mousse B. à la députée LFI Danièle Obono, le 16 novembre dernier, comme le montre une photo.

L’association milite désormais pour le « rapatriement » de Mousse B. en France.

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