Un an après le début des manifestations des Gilets Jaunes, un CRS qui se trouvait au cœur de l’action s’est confié à nos confrères de France Inter. Son témoignage révèle d’incroyables failles.
Samedi 1er décembre 2018.
Stéphane se trouve en retrait des Champs-Élysées : il est posté devant des barrières sur 150 mètres de long, à 100 mètres de l’Élysée.
« J’ai vu dans les yeux de mes collègues la crainte qu’on ne puisse pas tenir notre position. Si on avait été attaqué là où j’étais, on aurait pas pu tenir : l’Élysée tombait. À posteriori, ça fait vraiment peur », explique-t-il. Car ce jour-là, tous les effectifs sont répartis dans la capitale : en cas de besoin, pas de renfort possible. « Si on avait été vraiment ‘enfoncés’ au niveau de l’Élysée, personne ne pouvait nous secourir. »
“Quand vous avez 3 000 “gilets jaunes” qui passent devant votre barrière, vous vous dites : là, s’ils réalisent qu’on est que trois et que l’Élysée est à 100 mètres, on va peut-être téléphoner à la famille pour leur dire qu’on les aime et qu’on ne sera pas là ce soir.”
Samedi 8 décembre 2018.
Stéphane se retrouve cette fois en haut des Champs-Élysées. « Et là, ça a été la guerre. Je me suis dit : ‘je vais sans doute y passer’« , se remémore-t-il. Les manifestants lancent des projectiles « avec tout ce qui leur tombe sur la main ». Une bombe agricole explose à un mètre de Stéphane : « Si elle avait explosé au niveau de ma tête, je serais mort. Ça se joue à un mètre parfois, la vie ou la mort. »
Stéphane est effaré devant la rage des manifestants. Il dit voir face à lui « des gens qui voulaient en découdre, ils avaient de la bave qui leur coulait de la bouche, c’était des animaux« .
« Il y avait vraiment de la haine, les gens voulaient tuer du flic, tout brûler, tout casser. Je me suis dit ce jour-là : ‘il va y avoir des morts’. Côté policiers, côté manifestants, ou les deux. »
« Au lieu de balancer trois tirs de LBD, on en tire 20, 30, 40. À ce moment-là, on ne se pose pas la question de la légalité, du code pénal ou de la déontologie. Moi, je vous parle de survie. Il y avait au minimum 3 000 personnes devant nous sur les Champs, et nous on était 80 ! »
« On se disait : qu’est-ce qu’on fait ? On quitte notre position et on s’enfuit en courant, on tient jusqu’à la mort, on sort notre pétard, on fait quoi ? Si on se fait « enfoncer », on fait quoi ? Et on n’avait pas de réponse. »