La mise en garde est passée presque inaperçue, noyée dans les auditions parlementaires d’automne. Et pourtant, elle en dit long sur l’état d’esprit des plus hauts responsables militaires français : le pays, disent-ils, doit se préparer, non seulement à un potentiel conflit majeur à l’Est, mais aussi à un possible embrasement intérieur.
Mais ce qui nous intéresse ici, derrière la perspective militaire, est une autre inquiétude qui s’installe : celle d’un désordre interne.
C’est le directeur général de la Gendarmerie nationale, le général Hubert Bonneau, qui l’a dit sans détour devant les sénateurs : « Si nous avons un engagement majeur à l’Est, cela ne se passera pas sans agitation sur le territoire national. » Sabotages, opérations de déstabilisation, manifestations d’hostilité à une guerre jugée « impérialiste » par une partie de l’opinion : les scénarios sont sur la table.
Le constat est sans appel. La Gendarmerie s’attend à devoir intervenir en première ligne sur le sol français, non pas pour combattre un ennemi extérieur, mais pour contenir les fractures intérieures. « Nous inscrivons notre action dans un continuum sécurité–défense », a précisé le général Bonneau. Comprendre : le front extérieur et le front intérieur pourraient bien ne faire qu’un.
Déjà, le renseignement militaire alerte sur une « convergence des luttes » entre mouvances d’extrême gauche, collectifs antimilitaristes et causes pro-palestiniennes. Ces groupes multiplient les actions symboliques contre l’industrie de la défense : tracts, graffitis, campagnes de dénigrement. Loin des simples coups d’éclat militants, les autorités y voient la main de puissances étrangères, prêtes à instrumentaliser les tensions françaises pour fragiliser le pays.
Dans cette perspective, la Gendarmerie se dote de moyens accrus : 22.000 fusils d’assaut à remplacer, des équipements de vision nocturne pour débusquer les saboteurs, et un plan de modernisation évalué à 800 millions d’euros.
Derrière la technicité des chiffres, une idée domine : la France s’attend à des années agitées. Et la Gendarmerie, en rappelant qu’elle est aussi une force armée, se prépare à jouer un rôle central dans la défense du territoire.