Nos confères de France Télévisions ont interrogé le professeur au CHU de Lille et à l’Imperial College de Londres, voix reconnue dans le monde scientifique notamment pour ses recherches sur le diabète.

Pourquoi l’article de The Lancet vous a-t-il fait réagir ?

J’ai d’abord beaucoup hésité à réagir parce que je ne veux pas qu’on dise que je suis pro-Raoult. On ne peut rien dire : on est forcément soit pro, soit anti. Mais l’article de The Lancet pose de gros problèmes. Les données sont trop bizarres, pas fiables. On ne sait même exactement d’où elles viennent comment ils se les sont procurées. Du coup, les conclusions ne peuvent pas être fiables. The Guardian a bien vu tous ces problèmes. Ce papier est une merde en grande partie fabriquée par une firme inconnue qui voulait se faire de la pub. 

Lancet, c’est le tabloïd de la presse médicale. Ils font le buzz avec des données fake. La science, ce n’est pas ça ! Et la presse française a repris sans réfléchir cet article. Nous n’avons plus de journalistes scientifiques. 

Pourtant le gouvernement français a immédiatement réagi en arrêtant tous les essais liés à la chloroquine ? 

C’est un peu du masochisme. Ils ont réglé leurs comptes avec Raoult mais ils l’ont fait sans se rendre compte qu’ils utilisaient pour cela The Lancet, qui a quelque part ridiculisé la science française avec cet article. C’est un règlement de comptes politique pour arrêter la prescription désorganisée de choloroquine. 

Pour tuer la chloroquine, on s’appuie sur un article qui n’est pas scientifique. Je ne sais pas si la choloroquine est efficace, je ne me prononce pas là-dessus. Je pense même qu’on ne le saura jamais de manière scientifique, puisqu’il n’y a plus assez de malades. J’observe aussi que les grandes études Recovery / Discovery n’ont pas retrouvé ces effets négatifs du médicament. Aucun médicament n’a prouvé son efficacité face au Covid-19. 

Pourquoi cette polémique vous met-elle en colère ?

La recherche c’est du temps long, c’est de la réflexion, de la méthode. Les politiques ont besoin de choses simples mais les scientifiques c’est autre chose, la science c’est autre chose. Dans cette crise, je trouve qu’on est en train de suicider la recherche médicale. Nous, les scientifiques, on pleure tous les jours en ce moment. Les gens qui sont à la tête de recherches sérieuses sont tristes d’observer tout ça. C’est un déversoir à conneries en ce moment le Covid-19. Le milieu hospitalier-universaitaire ne ressort pas grandi de cette crise. 

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