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Imaginez un seul instant que, au lieu de prendre l’épée et d’entraîner les hommes d’armes à la bataille, Jeanne ait voulu susciter un grand défilé pacifiste « Je suis Charlie (VII) »…

Imaginez un seul instant que, au lieu de flanquer de bonnes déculottées aux Godons et aux Bourguignons, elle ait organisé des”meetings” pour la paix, au nom de la fraternité universelle (obligatoire et laïque)…

Imaginez un seul instant que, au lieu de proclamer : « Les hommes d’armes combattront et Dieu donnera la victoire », elle ait lancé des débats télévisés sur une chaîne d’information continue avec les représentants du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, de la Ligue des droits de l’homme, du Conseil pontifical justice et paix et de l’Ordre indépendant du B’nai B’rith…

Imaginez un seul instant qu’au lieu de renvoyer de l’armée les ribaudes et d’inciter les guerriers à la confession, elle ait établi des “marches des fiertés” festives et colorées pour que tous les types de sexualité puissent s’épanouir librement parmi les soldats…

Imaginez un seul instant qu’au lieu d’entendre dévotement la Sainte Messe les deux genoux en terre et d’y communier, elle ait préféré participer à des rencontres œcuméniques où chacun serait venu dire son sentiment avec la certitude que l’ Esprit Saint lui parle directement au cœur…

Imaginez un seul instant qu’au lieu de s’obstiner à vouloir conduire à Reims pour y être sacré un roi qui doutait de sa propre légitimité, elle ait coordonné un référendum d’initiative populaire où chacun se serait exprimé sur la forme du gouvernement à donner à la France…

Imaginez un seul instant qu’au lieu de rappeler que le roi légitime est lieu-tenant de Dieu en France, elle ait institué le suffrage universel (à la proportionnelle) en affirmant que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation »…

Imaginez qu’au lieu de s’acharner à «bouter l’Anglois hors de France », elle se soit érigée en prophétesse de l’accueil indifférencié de tous les hommes et de toutes les différences…

C’est en se posant de semblables questions, qui pourraient alors donner lieu à la rédaction d’époustouflantes uchronies que nous pouvons mesurer à quel point Chesterton était un véritable prophète lorsqu’il écrivait en 1908 :

Le monde moderne n’est pas méchant ; sous certains aspects, le monde moderne est beaucoup trop bon. Il est plein de vertus désordonnées et décrépites. Quand un certain ordre religieux est ébranlé (comme le fut le christianisme à la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices que l’on met en liberté. Les vices, une fois lâchés, errent à l’aventure et ravagent le monde. Mais les vertus, elles aussi, brisent leurs chaînes, et le vagabondage des vertus n’est pas moins forcené et les ruines qu’elles causent sont plus terribles. Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles.

C’est en se posant de semblables questions que l’on réalise la décadence absolue de notre époque, tant sur le plan intellectuel que spirituel, la décadence de la pensée politique et de la pensée religieuse. C’est en se posant de semblables questions que l’on perçoit de manière irréfragable que si Jeanne avait agi ainsi, elle ne serait pas devenue sainte, la sainte que nous aimons, admirons et vénérons. C’est en se posant de semblables questions que l’on réalise que s’il en eût été ainsi en 1429, nous ne serions sans doute aujourd’hui ni français ni catholiques, parce qu’il n’y aurait probablement plus depuis belle lurette ni France ni catholicisme !

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