Il est donc désormais interdit de chanter en France. Ou, pour être plus précis : il est interdit de chanter si l’on est jeune et catholique. C’est ce que vient de découvrir à ses dépens un adolescent de 18 ans, pèlerin de retour de Chartres, verbalisé ce lundi soir en gare Montparnasse pour « tapage », après avoir entonné un chant sacré avec ses camarades.

Chaque année à la Pentecôte, des milliers de jeunes pèlerins marchent de Paris à Chartres pour affirmer pacifiquement leur foi, dans un silence intérieur qui tranche avec le vacarme du monde. Et chaque année, à leur retour, ils se retrouvent à la gare, fatigués, heureux, et reprennent en chœur un chant de louange, le Jubilate Deo. Une tradition simple, digne, joyeuse. Mais cette année, la SNCF a décidé que trop, c’était trop.

Cinq agents de la sûreté ferroviaire – manifestement débordés par tant de ferveur – ont choisi de s’en prendre à un petit groupe en marge de la procession. Pas de rodéo urbain, pas de deal de shit sur le quai, pas d’agression à l’arme blanche : non, juste des jeunes qui attendent leurs amis en chantant. Et pour cela, un seul sera puni. Pourquoi lui ? Parce qu’il a eu l’audace – horresco referens – de regarder un agent pendant qu’il chantait. Crime de lèse-autorité. Résultat : 60 euros d’amende. Pour « tapage en gare ».

La SNCF, qui laisse les pianos en libre accès pour d’improbables improvisations cacophoniques, qui supporte sans broncher les cohortes de supporters hurlant leurs slogans ou les pickpockets professionnels du RER B, n’a visiblement pas le même seuil de tolérance quand il s’agit de jeunes Français entonnant un chant liturgique.

Le message est clair : dans la France de 2025, prier en latin dans l’espace public vous vaudra une contravention. Casser du mobilier urbain, en revanche, c’est culturel. L’autorité, quand elle ne sait plus à qui elle doit s’appliquer, s’acharne sur les plus inoffensifs, comme pour se rassurer de n’avoir plus le courage d’agir là où il faudrait.

Mais qui peut sérieusement croire que ces jeunes pèlerins posent un problème d’ordre public ? Qui ose prétendre qu’un chant religieux murmuré entre deux escalators menace la sécurité ferroviaire ? La réponse, en creux, est glaçante : ce n’est pas le bruit qui dérange, c’est le symbole. Ce que l’on sanctionne ici, ce n’est pas un excès de décibels, mais une identité assumée, une foi visible, une jeunesse enracinée.

À Montparnasse, ce lundi, ce n’est pas un adolescent qui a été verbalisé : c’est une génération qu’on a voulu faire taire.