François Lenglet : « L’Europe entame son siècle de l’humiliation » 

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Dans un entretien publié par Le Figaro, François Lenglet, journaliste économique reconnu et éditorialiste pour TF1-LCI et RTL, livre une analyse implacable des nouvelles relations transatlantiques à la lumière de l’accord signé le 27 juillet entre l’Union européenne et les États-Unis dirigés par Donald Trump. Pour lui, ce texte marque une rupture : « L’Europe entame son “siècle de l’humiliation”, comme la Chine en 1842 après la guerre de l’opium. »

L’accord impose à l’Europe des droits de douane de 15 % sur la quasi-totalité de ses exportations vers les États-Unis, sans aucune contrepartie véritable. « Ce n’est pas une surprise », déclare Lenglet. « Il matérialise le rapport de force entre l’Amérique de Trump et l’Europe : tout pour moi, le reste pour toi. » Selon lui, cette dynamique illustre la transformation des États-Unis en « superpuissance voyou », selon l’expression de l’universitaire américain Michael Beckley.


Plus grave encore, souligne Lenglet, « l’Union européenne est contente. Humiliée et satisfaite ». Bruxelles aurait, dans le même mouvement, pris des engagements qui sont autant de renoncements à plusieurs de ses principes fondamentaux : investir massivement aux États-Unis (« 600 milliards »), acheter des armes américaines malgré les appels à renforcer l’industrie de défense européenne, et importer du gaz américain en contradiction avec ses objectifs climatiques.

La comparaison avec le Royaume-Uni est sans appel. Londres a obtenu des conditions douanières plus favorables (10 %), ce que Lenglet attribue au solde commercial moins déficitaire entre les deux pays. « Dans la hiérarchie des royaumes tributaires de l’empire américain, nous sommes entre le Royaume-Uni, qui s’en sort mieux, et le Japon », dit-il.

Mais le problème est plus structurel : « L’Union européenne n’a pas été conçue pour peser dans le jeu mondial », affirme Lenglet. « Elle court comme un canard sans tête, désorientée par la disparition du monde d’hier. » La mondialisation s’est fragmentée, dit-il, et la Commission européenne reste paralysée par ses traités, incapable de se transformer en acteur géopolitique. « Elle devrait pratiquer une sorte de nationalisme européen, si cette expression n’était pas un oxymore ».

François Lenglet n’épargne pas les dirigeants européens, ni la technocratie bruxelloise : « Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon », raille-t-il, en évoquant des menaces de rétorsions commerciales jamais mises à exécution. Quant à Emmanuel Macron, *« nous n’avons pas été craints », aurait-il déclaré – une litote, selon Lenglet.

Pour Donald Trump, ces mesures ont une double visée : « siphonner la croissance mondiale » en favorisant la réindustrialisation américaine, et « remplir les coffres de Washington » grâce aux recettes douanières. « C’est la stratégie de la prédation », assène Lenglet, rappelant que ces recettes financeront le « Big and Beautiful Budget » issu des baisses d’impôt récentes.

Même si certains engagements paraissent irréalistes – « 250 milliards d’achats de gaz liquéfié par an », alors que l’Europe en consomme moins de 100 aujourd’hui –, ils contribuent à redéfinir les règles du commerce mondial. « L’accès aux marchés internationaux a un prix », prévient Lenglet, et l’Europe ferait bien de réfléchir au sien.

Sur le plan économique, les secteurs les plus exposés seront le luxe (capable d’absorber le choc), les produits laitiers, la cosmétique grand public et potentiellement les équipementiers automobiles. « Il peut donc y avoir une nouvelle vague de délocalisations », anticipe le journaliste.

Enfin, Lenglet note une résignation inquiétante au sein de l’Union : « Le continent n’est pas vraiment divisé, il se partage entre les perdants résignés et les perdants soulagés. » Pour lui, cette crise révèle l’ampleur des bouleversements géopolitiques : « Dans la confrontation qui s’intensifie, tout est stratégique, y compris les questions commerciales ». Il conclut : « Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. »

Cet entretien accompagne la sortie prochaine de l’ouvrage de François Lenglet, Qui sera le prochain maître du monde ?, à paraître aux éditions Plon en octobre 2025. On peut le précommander en cliquant ici.

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