Les médias reflètent-ils encore l’opinion des Français ou bien seulement celle de leurs rédactions ? La question n’est pas nouvelle, mais une récente étude vient lui donner une réponse chiffrée, méthodique et, pour tout dire, accablante pour l’audiovisuel public.
Pendant plus de cent heures d’antenne, entre septembre et décembre, l’institut Hexagone a minutieusement chronométré le temps de parole politique sur les grandes matinales radio et télévision. Un travail fastidieux, presque ingrat, mais indispensable à l’heure où l’on invoque le pluralisme comme un totem… sans jamais vérifier s’il existe encore.
Première surprise – ou plutôt première confirmation. Le premier courant politique en voix n’est pas le premier au micro. Loin de là. Le bloc RN-UDR, arrivé largement en tête lors des dernières législatives, se retrouve relégué à la portion congrue sur les grandes antennes, avec des chiffres particulièrement faibles sur le service public. France Inter et France 2 affichent une sous-représentation qui n’a plus rien d’anecdotique.
La droite dans son ensemble n’est guère mieux traitée. Alors qu’elle rassemble près de la moitié des intentions de vote, elle ne dépasse pas le tiers du temps de parole dans les émissions analysées. Là encore, le décrochage est brutal sur les médias d’État, pendant que la gauche, elle, bénéficie d’une exposition confortable, régulière, presque naturelle.
Mais c’est sur France 5 que le déséquilibre prend des allures de caricature. Dans plusieurs émissions phares, l’effacement de la droite est qualifié de « quasi total ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : quelques pourcents de temps de parole ici, une présence symbolique là, pendant que le plateau devient un espace idéologiquement balisé, sans aspérité ni contradiction réelle.
On objectera, comme souvent, que certains médias privés pratiquent aussi leurs propres biais. L’étude le reconnaît. Mais elle rappelle une différence essentielle : sur certaines chaînes, la faible présence de la gauche relève d’un choix assumé de boycott. Sur le service public, en revanche, la faiblesse de la droite résulte d’un simple manque d’invitations. Nuance décisive.
Autre angle mort régulièrement invoqué pour masquer la réalité : les invités « sans étiquette ». Présentés comme neutres, techniques ou purement académiques, ils occupent une part considérable du temps d’antenne. Or, lorsqu’on s’intéresse à leurs prises de position passées, à leurs engagements ou à leurs travaux, la couleur idéologique apparaît souvent très marquée, et rarement à droite.
Ce constat n’est d’ailleurs pas isolé. Déjà, un rapport antérieur avait démontré que la majorité des intervenants politiquement identifiables sur l’audiovisuel public se situaient à gauche ou dans l’orbite macroniste, laissant à la droite une place résiduelle, presque décorative.
Le paradoxe est désormais criant. L’institution qui devrait incarner le pluralisme en premier lieu est précisément celle qui s’en écarte le plus. Financée par l’impôt de tous, elle donne pourtant l’impression de parler au nom de quelques-uns seulement.
Reste une question, désormais posée publiquement : combien de temps encore cette situation pourra-t-elle perdurer sans provoquer une remise en cause profonde du système ? La commission d’enquête parlementaire en cours apportera peut-être un début de réponse. Encore faudra-t-il accepter d’en regarder les conclusions sans détour, ni faux-semblants.
À défaut, l’audiovisuel public continuera de jouer son rôle favori : celui d’un miroir soigneusement orienté, où la France réelle peine de plus en plus à se reconnaître.