Les fameuses valeurs de la République semblent tenir une place si importante dans le cœur et l’esprit de certains fonctionnaires de l’Éducation nationale qu’ils en viennent à recaler de futurs candidats à leurs différents concours au prétexte qu’ils ne les maîtrisent pas 1. Lorsque l’on connaît les difficultés que ce même ministère rencontre pour recruter des enseignants, ce zèle républicain a de quoi étonner. D’autant plus que ces valeurs fondées sur notre triptyque – liberté, égalité, fraternité – constamment brandies dans les programmes ou les discours politiques, sont bafouées chaque fois que l’occasion se présente : les dernières restrictions autour de l’école à la maison illustrent cette incohérence à la perfection.

Ainsi, tout le monde se rappelle des dispositions mises en place par la loi contre les séparatismes du 24 août 2021. Déjà à cette époque, nous avions alerté sur les dangers qui guettaient les libertés fondamentales en matière d’éducation 2 : cette loi, en effet, attaquait tout particulièrement l’instruction dans le hors contrat et l’école à la maison déjà largement sous contrôle de l’État. À seule fin de combattre certaines franges de l’islam conquérant qui endoctrinent les enfants à leur cause, les législateurs attaquaient des libertés qui nous étaient chères et semblaient, dans le même temps, oublier que les principaux cas de radicalisation recensés étaient issus principalement d’écoles clandestines, ou alors de l’école publique. Augurant le danger, nous avertissions, dès ce moment-là, sur l’inadaptation, l’injustice et l’aspect potentiellement liberticide de ces dispositions.

Comme d’habitude, il apparaît que nos gouvernants ont établi en 2021 une nouvelle loi pour ne pas avoir à utiliser celles qui existaient déjà et qui leur auraient pourtant suffi à venir à bout des écoles coraniques. Ce faisant, ils utilisent aujourd’hui la nouvelle loi, non pas pour s’attaquer aux « radicalisés » comme cela était prévu initialement, mais pour resserrer le carcan administratif et idéologique sur les populations honnêtes qui, elles, n’ont pas l’habitude de contredire le pouvoir légal. Ces dernières semaines, l’avenir nous a donné raison puisque les interdictions de scolariser des enfants à la maison se sont multipliées sous les yeux impuissants des parents concernés 3, et sans que cela concerne, à notre connaissance, des familles soupçonnées de radicalisation islamique… tant s’en faut ! Aujourd’hui, ces blocages administratifs sont d’autant plus difficiles à comprendre qu’aucune raison sérieuse explicitant ces refus n’a été pour le moment évoquée.

Transparait à travers cette mesure, une volonté progressive de l’État de se constituer comme seul éducateur de l’enfant, et d’assécher les rares espaces de liberté qui permettaient aux parents qui le souhaitaient de prodiguer librement l’éducation qu’ils souhaitaient à leur progéniture dont ils devraient avoir, du reste, la première responsabilité. Cette éducation à la maison a notamment un rôle primordial : celui de prendre en compte les cas particuliers d’enfants qui ne rentrent pas dans les cadres scolaires classiques (élèves harcelés, maladies, enfants précoces, déménagements, parents au travail itinérant…). Elle permet également à ceux qui présentent des talents particuliers de bénéficier d’une instruction correspondant à leurs profils. En la supprimant progressivement, l’État étouffe le talent au lieu de favoriser la créativité. Il arase les différences au lieu de cultiver les trésors qui naissent de la nuance et de la variété des profils. Ce système d’autorisation préalable de plus en plus restreint vient s’additionner aux multiples restrictions et mesures de contrôle qui ont eu cours pendant le dernier quinquennat, et en particulier pendant ces deux dernières années de privations sanitaires. Un homme libre ne les intéresse nullement. Ce qu’ils souhaitent c’est un homme docile, déterminé à obéir quoi qu’on lui demande, entraîné à la soumission dès son plus jeune âge.

Élisabeth Borne l’a affirmé lors de son discours de politique générale : « La République de l’égalité des chances se construit dès la naissance 4 ». Seulement, l’égalité des chances pour le gouvernement Macron, c’est la destruction des différences, les enfants fondus dans le même moule idéologique, et la construction de citoyens domestiqués, malléables… Aujourd’hui, l’école à la maison est attaquée. Demain, ce seront les écoles hors contrat. Petit à petit, nos enfants auront donc tous « également » les mêmes chances de se voir spolier leurs libertés par l’État ; le seul domaine dans lequel ils seront totalement égaux. Ces dispositions font écho à la fameuse phrase de Saint-Exupéry : « On nous a coupé les bras et les jambes, puis on nous a laissés libres de marcher. »

Il est temps que l’État mette un terme à cette façon de gouverner et qu’il se penche à nouveau sur sa manière de concevoir la liberté, en particulier dans le domaine de l’éducation. Les députés de l’opposition, de droite comme de gauche, ont également un devoir à cet égard. Après leurs discours convaincus sur la défense des libertés des Français, nous les attendons de pied ferme dans leurs actes au cœur de l’hémicycle. Quant à nous, nous continuerons à défendre ces libertés coûte que coûte sur tous les terrains.

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