Dans la nuit, Mark Carney, 59 ans, figure majeure de la finance internationale, a été élu à la tête du Parti libéral du Canada, devenant ainsi le futur Premier ministre du pays. Cette élection fait suite à la démission de Justin Trudeau en janvier, après plusieurs années de forte impopularité malgré son charisme initial.

Dans la course à sa succession, Carney était opposé à Chrystia Freeland, ancienne ministre des Finances et figure influente du gouvernement. Leur proximité personnelle – Carney étant le parrain du fils de Freeland – n’a pas empêché une confrontation serrée. Tous deux défendaient des politiques similaires sur des points clés, notamment la baisse des impôts pour les classes moyennes.

Un profil technocratique séduisant

La victoire de Carney s’explique en grande partie par son image de technicien compétent, éloigné des querelles partisanes et de l’usure du pouvoir. Ancien gouverneur de la Banque du Canada en pleine crise financière de 2008-2012, il s’est forgé une réputation de gestionnaire efficace avant de prendre les rênes de la Banque d’Angleterre. Catholique pratiquant, il n’est pas directement associé au bilan controversé de Trudeau, ce qui lui permet d’apparaître comme un dirigeant capable de tourner la page des échecs récents, notamment en matière d’inflation et de crise du logement. Il prône ainsi la construction massive de logements préfabriqués à bas coût. « Je suis un pragmatique », a-t-il affirmé lors d’un débat. « Quand je vois un problème, je le résous. »

Un tournant plus conservateur

Originaire de Fort Smith, aux confins de l’Arctique, Carney est issu d’un milieu modeste : sa mère était institutrice et son père, directeur d’école, est ensuite devenu professeur d’histoire de l’éducation à l’université de l’Alberta. Diplômé d’Harvard et d’Oxford, il a passé treize ans chez Goldman Sachs avant d’intégrer la Banque du Canada, puis d’occuper des postes stratégiques dans la haute administration. Son physique avantageux lui a même valu le surnom de « George Clooney de la finance ».

Mais son véritable défi commence maintenant. Pour s’installer durablement au pouvoir, il devra affronter l’ultraconservateur Pierre Poilievre lors des élections générales prévues entre fin avril et octobre au plus tard. Afin de séduire un électorat plus large et contrer son adversaire, il a déjà infléchi son programme vers la droite, supprimant notamment la taxe carbone sur les ménages, l’une des rares mesures environnementales du pays, très impopulaire auprès des électeurs.

Un duel sous haute tension face à Trump

Le vainqueur de cette élection aura rapidement un enjeu de taille : gérer les relations tendues avec les États-Unis. Donald Trump, qui mène une offensive commerciale agressive contre le Canada, a récemment laissé entendre que ce « pays brisé » pourrait même faire l’objet d’une annexion. Dans ce contexte, Mark Carney semble être le candidat le mieux armé pour affronter le président américain. Selon un sondage Angus Reid publié la semaine dernière, il est perçu comme le plus apte à défendre les intérêts du Canada face à Trump, recueillant 43 % d’opinions favorables contre 34 % pour Poilievre, dont les positions « anti-woke » s’alignent souvent sur celles de l’ancien président américain.

L’épreuve du feu ne fait donc que commencer pour Mark Carney, qui devra prouver rapidement qu’il peut non seulement incarner le renouveau du Parti libéral, mais aussi redresser un pays en proie à de nombreux défis.