On la croyait intouchable, elle s’est pris la porte. Ce lundi, dans un hémicycle déserté, Rachida Dati a vu sa réforme de l’audiovisuel public renvoyée aux oubliettes parlementaires. Une motion de rejet préalable a suffi à mettre un terme, pour l’instant, à son rêve de « BBC à la française ». Le tout dans l’indifférence polie de ses collègues macronistes, trop occupés sans doute à préparer leur week-end.
Dati voulait une réforme d’envergure, elle hérite d’un camouflet en bonne et due forme. Le texte, qui devait fusionner Radio France, France Télévisions et l’INA dans une super-holding, n’a même pas passé la première épreuve. Et ce sont les insoumis, les socialistes et les écologistes, aidés au dernier moment par le Rassemblement national, qui ont renvoyé la ministre à ses fiches. Scène pathétique dans un hémicycle à moitié vide, révélateur d’un pouvoir sans troupes.
Un texte « maudit » pour une ambition très personnelle
Depuis un an, la réforme traîne comme un boulet : annulée par la dissolution, piétinée par les querelles de majorité, torpillée par des amendements en rafale. En coulisse, tout le monde sait que cette loi n’est qu’un marchepied pour les ambitions parisiennes de Madame Dati, qui rêve déjà de l’Hôtel de Ville.
Mais la stratégie échoue : la gauche a flairé la manœuvre, le RN a saisi l’occasion, et Renaissance s’est éparpillée façon puzzle. Résultat : humiliation sur fond de désintérêt général. Même François Bayrou, d’ordinaire prompt à applaudir dans le vide, n’a pu sauver le navire.
Le service public comme terrain de jeu politique
Depuis des mois, cette réforme suscite autant de scepticisme que d’ennui. Une holding pour moderniser le service public ? Voilà qui ne fait rêver que les communicants. À droite, on rêve surtout de privatiser France Télévisions. À gauche, on tremble à l’idée de perdre un bastion idéologique. Et au centre, on hésite, comme toujours.
Le naufrage du texte ne tient pourtant pas qu’au fond : il révèle l’impuissance d’un gouvernement affaibli, sans majorité, sans colonne vertébrale, sans même assez de députés pour défendre ses projets. Quand un quart du groupe Renaissance est en salle de pause au moment du vote, c’est que la réforme n’intéressait plus personne — sauf la ministre.
Le bal des vanités continue
Le plus ironique dans tout cela ? Le texte retourne au Sénat. Une seconde lecture pour un projet déjà rejeté, auquel plus personne ne croit. Mais Madame Dati n’en démord pas : elle veut sa réforme, sa victoire, sa tribune. Paris vaut bien une déroute.
En attendant, le service public continue de ronronner à grands frais, sans direction claire, sans réforme, sans remise en cause. Et les Français continueront de payer, pendant que les ambitions ministérielles se fracassent sur la réalité du Parlement.