« Accuser Trump et Musk de nos vulnérabilités, c’est s’excuser trop facilement de les avoir nous-mêmes organisées »
Tout le dossier : Etats-UnisDans un entretien avec nos confrères du Figaro, François-Xavier Bellamy explique que l’affirmation décomplexée des ambitions américaines doit inciter les dirigeants européens à assumer un «diagnostic lucide» sur leurs propres faiblesses. Extraits :
Pour les dirigeants européens, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche doit être l’occasion de sortir enfin de leur torpeur et de regarder lucidement leurs responsabilités. Depuis plusieurs mandats, les États-Unis privilégient leurs intérêts sur leurs alliances ; avec le président Trump, cette tendance sera parfaitement décomplexée. Cela doit conduire les Européens à comprendre que s’ils ne se préoccupent pas du destin de leurs pays, personne ne le fera pour eux. C’est l’enseignement qu’il me semble urgent de tirer du contexte géopolitique actuel.
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Le président américain n’aurait pas traité ainsi l’Europe d’il y a vingt ans, dont le PIB était supérieur à celui des États-Unis. Des pays européens qui seraient considérés comme une puissance économique incontournable et une alliance géopolitique sérieuse ne subiraient pas la même brutalité dans les négociations qui s’engagent. Cela doit nous conduire d’abord à nous interroger sur nous-mêmes. Le premier de nos devoirs est d’assumer un diagnostic lucide, et les efforts exigeants qu’il faudra pour reprendre la maîtrise de notre destin. La souveraineté de nos démocraties a des conditions de possibilité, qu’il faut reconquérir une par une : le travail et la liberté, sans lesquels aucune prospérité n’est possible ; des forces militaires et des frontières solides pour ne pas subir les menaces extérieures ; l’exigence éducative et scientifique pour écrire à nouveau notre histoire.
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La muraille réglementaire que l’Union européenne rêve d’opposer à ses compétiteurs n’a aucune chance de tenir dans le monde de plus en plus brutal qui se dessine sous nos yeux. Aucun empilement de normes, aucune nostalgie multilatérale, aucune leçon de morale, à l’adresse de nos alliés comme de nos adversaires, ne nous évitera de subir les conséquences de notre déclin. Pour ne pas sortir de l’histoire, il faut retrouver une logique de puissance. Et cela suppose d’abord de renouer avec une économie compétitive, car la prospérité est un enjeu géopolitique. Travailler, produire, exporter, innover : si nous renonçons à cela, aucune diversion politique, aucun frein administratif n’empêcheront le décrochage. La France en est l’exemple le plus visible.
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Il n’y a pourtant rien d’inéluctable : il y a vingt ans, le secteur des nouvelles technologies aux États-Unis était en grande difficulté, le premier producteur mondial d’acier était européen, la France était légèrement moins endettée que l’Allemagne. Mais notre pays a choisi depuis des années le consommateur contre le travailleur, finançant un modèle social intenable par le dérapage de la dépense publique, et s’est enlisé dans la spirale de la dette et du déficit commercial. C’est cette trajectoire qu’il faut inverser d’urgence.