C’est une petite révolution. Presque imperceptible, mais suffisamment rare pour être savourée. À partir de janvier, les étrangers souhaitant s’installer durablement en France devront passer un test civique. Oui, un vrai. Avec des questions. Et même un seuil de réussite. Autant dire une provocation.
Devise de la République, principes de la laïcité, institutions françaises, histoire nationale, droits et devoirs : rien de franchement exotique. Rien, surtout, qui ne relève du strict minimum lorsqu’on prétend s’installer durablement dans un pays. Et pourtant, la nouvelle a déclenché un concert de protestations parfaitement huilé.
L’exigence, cet obscur concept
Quarante questions, quarante-cinq minutes, 80 % de bonnes réponses. À ce stade, on hésite entre un examen civique et une épreuve de survie pour associations subventionnées. Car, très vite, le verdict est tombé : ce test serait « trop difficile », « discriminant », « déconnecté du réel ». Traduction militante : il exige quelque chose.
Car le vrai scandale n’est pas le contenu du test. Il est ailleurs. Dans l’idée même qu’un étranger doive prouver qu’il comprend le pays où il veut vivre. Qu’il connaisse ses règles, son histoire, ses institutions. Bref, qu’il s’adapte.
On découvre ainsi, médusé, que demander ce que signifie la devise française ou comment fonctionne la République serait une forme d’élitisme. Certains vont même jusqu’à expliquer que l’on demanderait aux étrangers « plus qu’aux Français ». Argument imparable : puisqu’on a renoncé à transmettre, autant renoncer à exiger.
Un pays sans conditions d’entrée
Depuis des années, la France accueille sans trop savoir qui, comment, ni pour quoi faire. L’intégration est devenue un slogan creux, répété mécaniquement, vidé de toute contrainte. Le test civique vient rompre, timidement, avec cette logique molle.
Il ne s’agit pourtant pas d’un parcours du combattant. Pas de dissertation sur Montesquieu ni d’oral sur la séparation des pouvoirs. Un QCM. Basique. Numérique. Repassable à l’infini. Autant dire que l’État a soigneusement évité toute brutalité.
Mais même cela semble insupportable à ceux qui estiment que la France n’a pas le droit de poser des conditions. Un pays ouvert, selon eux, est un pays qui ne demande rien. Ni adhésion, ni compréhension, ni respect explicite.
Les Français, spectateurs amusés
Pendant que les associations s’étranglent, une large partie de l’opinion observe la scène avec un mélange de surprise et de soulagement. Enfin, se dit-on, l’État esquisse autre chose qu’un simple tampon administratif. Enfin, il suggère que s’installer en France n’est pas un droit automatique, mais un choix qui implique des devoirs.
Rien ne dit que ce test changera tout. Il est modeste, tardif, fragile. Mais il marque une inflexion. Une fissure dans le discours selon lequel toute exigence serait une offense.
Pour une fois, la République ne s’excuse pas d’exister. Et rien que pour cela, le spectacle vaut le détour.