Emmanuel Macron est reparti de Chine avec la même valise qu’à l’arrivée : pleine de discours, légère en résultats. Pendant trois jours, le président français a tenté de faire croire que la France, et derrière elle l’Europe, pouvait encore dialoguer d’égal à égal avec la deuxième puissance mondiale. Face à lui, Xi Jinping n’a même pas eu besoin d’élever la voix : sa simple présence rappelait combien le rapport de force s’est renversé.
Pendant que Paris rêve encore d’un « rééquilibrage » sino-européen, Pékin déroule tranquillement son propre agenda, sûr de sa puissance industrielle, certain d’avoir le temps pour lui. C’est là tout le drame : la Chine regarde l’avenir, l’Europe regarde le sol.
Le monde change, Macron déclame du Molière
On aura au moins appris que Macron peut réciter Le Misanthrope devant des étudiants du Sichuan. Le geste est théâtral, mais terriblement révélateur : quand Xi parle de stabilité, de puissance et d’hégémonie technologique, le président français convoque Alceste. La littérature comme arme diplomatique — idée raffinée, mais d’une inefficacité totale.
La Chine, aujourd’hui, n’écoute plus le romantisme français. Elle observe une Europe divisée, fragilisée, dépendante, où la moindre tension commerciale se transforme en crise politique. Xi n’a pas besoin de le dire : il le sait, Macron le sait, et le monde entier le voit.
Ukraine : Paris s’agite, Pékin calcule
Sur l’Ukraine, Macron s’est démultiplié : exhortations, mises en garde, appels à l’influence chinoise. Rien n’y a fait. Xi a répondu avec la froideur habituelle : aucune pression sur Moscou, aucune concession symbolique, aucune modification de ligne.
Pour Pékin, soutenir économiquement la Russie ne coûte rien et affaiblit lentement l’Occident. Pourquoi changer ? Le président chinois a simplement réaffirmé la doctrine : « pas d’accusations sans fondement », et circulez.
La France insiste ; la Chine avance. Voilà le résumé diplomatique de ce voyage.
Le grand basculement : la Chine produit, l’Europe commente
Ce déplacement confirme ce que les dirigeants européens n’osent plus dire à voix haute : ils ne tiennent plus la barre. Le centre de gravité économique s’est déplacé. La Chine fabrique, innove, exporte, inonde l’Europe de ses voitures électriques et de ses plateformes numériques. Pendant ce temps, Bruxelles débat de « critères » et de « transition ».
Le déséquilibre est si évident qu’il en devient presque cruel. Macron lui-même, pourtant jamais avare de formules volontaristes, a dû reconnaître l’avantage technologique chinois. Autrefois, les Européens transféraient leur savoir-faire à Pékin. Aujourd’hui, ils en redemandent. Le monde à l’envers.
Le théâtre contre la géopolitique
Le plus frappant, dans cette visite, n’est pas l’échec diplomatique en lui-même. C’est l’écart entre la mise en scène française et la réalité du rapport de force.
Macron parle de « fracture inédite », de « monde multipolaire », de « vassalisation ». Il prévient, dramatise, prophétise. Pendant ce temps, Xi accueille, sourit, pose avec le couple présidentiel devant un barrage ancestral, vante l’harmonie de son empire, et poursuit tranquillement sa stratégie d’expansion économique.
D’un côté, une inquiétude européenne qui tourne à vide. De l’autre, une puissance asiatique sûre de son destin.
L’Europe en spectatrice, Macron en commentateur
Cette visite n’aura rien rééquilibré du tout. Elle aura simplement mis en lumière une vérité que l’on refuse collectivement de regarder : l’Europe n’influence plus le cours du monde, elle l’observe. Elle réagit, proteste, invoque ses valeurs, puis s’incline devant les faits accomplis.
Macron, en Chine, n’a pas défendu une stratégie : il a défendu une illusion. Celle d’un continent encore audible sans puissance industrielle, sans unité politique, sans cohérence énergétique.
Pendant ce temps, Xi pense en décennies, Trump en rapports de force, et l’Europe en communiqués.
Un constat brutal, mais impossible à contourner
La ligne de crête est effectivement de plus en plus étroite. Mais pas pour la Chine. Pour nous. Si l’Europe continue de jouer les équilibristes sans redevenir une puissance réelle, elle finira par glisser dans la catégorie qu’elle redoute tant : celle des territoires qui subissent l’histoire au lieu de l’écrire.
Macron revient de Chine avec de beaux discours. Xi, lui, garde les leviers. C’est toute la différence entre un acteur et un figurant.