Il faut l’entendre pour le croire : un(e) candidat(e) LFI en campagne pour les municipales, affirme que le voile serait « un signe d’intégration dans la société française ». Voilà donc où en est arrivée une partie de la gauche : transformer un marqueur religieux importé en étalon de francité. L’expression circule depuis son passage sur une radio locale, où elle a expliqué que des femmes se sentiraient « chez elles » en France précisément parce qu’elles peuvent désormais porter le voile « en toute tranquillité ».
Cette logique renverse l’idée même d’intégration. Jadis, s’intégrer signifiait adopter un cadre commun ; aujourd’hui, on voudrait nous faire croire que c’est en affichant une appartenance particulière que l’on manifeste son attachement à la nation. Et l’on devrait saluer cela comme un progrès. Ce glissement n’est pas anodin : il installe l’idée qu’une France qui doute d’elle-même doit se réjouir de devenir le décor d’identités parallèles, qui se vivent de plus en plus comme des contre-modèles culturels.
Dans ce discours, le voile devient presque un trophée : un symbole présenté comme la preuve que la République fonctionne, alors même que ce symbole conteste l’héritage culturel, juridique et social du pays. Autrefois, les femmes arrivées en France hésitaient à le porter, dit-elle ; aujourd’hui, si elles le mettent, ce serait le signe merveilleux qu’elles sont parfaitement intégrées. Une pirouette rhétorique qui ignore totalement ce que vivent au quotidien ceux qui constatent l’emprise croissante d’une norme religieuse dans l’espace public.
Il suffit pourtant d’ouvrir les yeux : les tensions autour du voile ne viennent pas de nulle part. Elles naissent d’un malaise profond, d’un sentiment de dépossession culturelle, d’une impression que le pays s’efface pour laisser place à des revendications continues. Pendant que les Français jonglent avec les factures d’électricité, se demandent comment traverser l’hiver, on vient leur expliquer que le vrai sujet serait leur « obsession » pour le voile. Comme si rappeler la laïcité ou défendre un cadre commun était devenu un réflexe coupable.
Ce discours révèle aussi la stratégie politique d’une certaine gauche : parler en boucle « des musulmans », de l’abaya, du foulard, pour dénoncer… que l’on parle en boucle de ces sujets. Cherchez l’erreur. On alimente la conflictualité identitaire tout en accusant le reste du pays de s’y intéresser.
La France n’a rien à gagner à ce brouillage permanent. L’intégration ne passe ni par des revendications communautaires, ni par la normalisation de symboles religieux dans la vie publique. Elle passe par une adhésion aux valeurs et aux usages d’une nation qui n’a jamais demandé autre chose que d’être reconnue pour ce qu’elle est. L’inversion proposée ici ne dupe plus grand monde : on ne devient pas Français en brandissant un signe de séparation. On le devient en rejoignant un bien commun.