Dans un pays où l’on promet régulièrement de « simplifier » la vie administrative, la nouvelle annonce de Bercy sonne comme un rappel brutal : l’État n’oublie jamais de passer à la caisse. Cette fois, ce sont 7,4 millions de logements qui verront leur taxe foncière grimper en 2026, au nom d’une opération de “fiabilisation” des bases cadastrales. Un mot pudique pour désigner ce que les Français connaissent par cœur : une mise à jour qui, par une étrange coïncidence, ne débouche jamais sur une baisse.
Le ministère des comptes publics présente la mesure comme un sursaut d’équité. Il s’agirait, nous dit-on, de faire payer chaque propriétaire selon le “confort” réel de son logement : eau courante, électricité, toilettes, lavabos… Autrement dit, tout ce qui constitue le minimum vital dans un pays développé. On nous explique que ces éléments, lorsqu’ils n’avaient pas été comptabilisés correctement, doivent désormais l’être. Et, magie de l’administration, ce rattrapage général se traduit par une hausse moyenne de 63 euros par logement. Pour les communes, la cagnotte atteindrait 466 millions d’euros. Les collectivités, elles, ne s’en plaindront pas.
Le discours est rodé : « efficacité » et « équité » – deux mots qui servent désormais de paravent à chaque extension fiscale. Mais derrière ces formules convenues se profile une réalité que personne ne nomme : dans un pays où les propriétaires sont déjà traités comme une caste suspecte, on trouve toujours une bonne raison pour leur prélever un peu plus. L’État, lui, ne se demande jamais si la pression fiscale atteint un seuil déraisonnable. Ce sont les propriétaires qui doivent “contester” s’ils pensent être lésés. Inversion parfaite de la charge de la preuve.
Le message est limpide : même ceux qui ont travaillé toute une vie pour s’acheter un bien ne sont jamais véritablement maîtres chez eux. Et tandis que l’on parle de “justice” fiscale, jamais ne surgit la question de la sobriété de la dépense publique. Le système, lui, continue de réclamer davantage, sans s’interroger sur sa propre dérive.
Les Français découvriront une fois encore que, dans ce pays, la propriété privée ressemble de plus en plus à une concession précaire. Quant à la confiance envers l’État, elle ne cesse de s’effriter. Rien d’étonnant, dès lors, si chaque nouvelle annonce de Bercy est accueillie avec la lassitude résignée d’un peuple qui ne se fait plus d’illusions.